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GOINGWEST

Le Webzine du Projet52

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©MargauxValletPhotographies

Excuse mes absences de cette plateforme que j’aime mais qui me demande beaucoup de temps, de recherches et d’énergie. Je réalise à l’instant que ma première newsletter date d’il y a 50 mois. Décembre 2014 : j’envoyais mes premiers messages de Collingwood en Ontario.

Depuis qu’est ce qui a changé ? J’ai sillonné notre planète et parcouru plus de 200 000 kilomètres. J’ai vu des aurores boréales dans l’hiver islandais, marché sur des lacs gelés au Canada et dans le désert du Chili. J’ai gardé des chiens au Colorado et suis montée à dos de chameaux au Maroc. J’ai brûlé mes yeux aux couleurs des incroyables couchers du soleil de l'Ouest Californien et vu les premiers rayons de soleil du premier lever du jour du monde en Nouvelle-Zélande. J’ai appris à tondre des moutons et à récolter le miel. J’ai fait du kayak dans un ancien super-volcan, découvert les Granolas 100 % bio de Nat dans son usine solaire installée dans le Maine et dégusté des plats dont je ne comprenais pas le nom en plein milieu de l’Uruguay. J’ai été accueillie par des familles au bout du monde qui ont partagé tellement plus que les banalités du quotidien. Elles m’ont ouvert leur porte, leurs bras et l’intimité de leur vie. J’ai gardé, conduit et joué avec leurs enfants. Je les ai consolés quand ils pleuraient et grondé quand ils m’exaspéraient. Impossible de dénombrer la quantité de jeux, de parties de cache-cache, de coloriages, de puzzles et de peinture utilisés entre les rires et les pleurs de ces petites têtes blondes qui sont autant de sourires emportés dans mon sac à souvenirs. J’ai pris soin de leurs animaux quand ils étaient absents. Je les ai promené longuement et aimé comme les miens.
Plus d’une fois j’ai été touché par ces voyageurs-baroudeurs qui décident d’oser. Qui partent et s’aventurent juste pour voir, toucher, sentir, comprendre et revenir… plus forts et plus grands de l’intérieur. J’aime voir comment la magie et l'instant volé d'une rencontre peut transformer les êtres. Avec eux les liens sont forts et l’amitié fidèle.
Ces derniers 50 mois, j’en ai passé moins de 20 à travailler (rémunérée). Ça veut dire que j’ai passé 60% de ces presque 5 dernières années à CHOISIR ma vie.
Qu’est ce que ça a changé? TOUT !
Je me suis testée et j'ai réussi ce pari avec moi même. J'ai appris à m’adapter, à m'écouter, à faire confiance … aux autres et à mon instinct. J'ai appris à rebondir aussi quand les jours étaient plus gris que la veille. J’ai vécu, j’ai vu et je me sens plus forte. J’ai appris, j’ai échoué, j’ai essayé, réessayé et puis l’expérience à fini par faire son boulot. Aujourd'hui j’ai l’impression d’arriver à la fin d’un cycle ... 50 mois du haut de mes 26 ans, ça fait un paquet de temps. Je ressens l’envie, le besoin de commencer un nouveau chapitre de ma vie et je me sens plus légitime que jamais pour le faire. Je ne sais pas encore de quoi sera fait les prochains mois, mais à court terme se profilent de nouvelles lignes directrices et bientôt je m’envole…

©MargauxValletPhotoraphies

Je vais je ne sais où. Je vais et je suis heureuse.

 

Si j’avais une devise, je pense qu’elle ressemblerait beaucoup à ces quelques mots car ces derniers mois dans l’hémisphère Sud ont été une suite ininterrompue de hasard merveilleux qui confirment que l’important est moins que comment.

Dans mon dernier article, je te racontais mes aventures en Argentine, au Chili et en Uruguay. Cette fois-ci je vais te parler de l’Ouest : la Nouvelle Zélande. Je retrouve une terre que je connais et que j’ai aimé parcourir. En 2016 j’arrivais en Nouvelle-Zélande avec un PVT (Programme Vacances Travail) en main et l’objectif de découvrir ce qui se cachait derrière les terrains vallonnés et les légendes maories. Je ne vais pas te faire un nouveau pavé sur la beauté extraordinaire de ce pays car cette année, le ciel est chargé. La terre trempée. Elle est verte d’un printemps pluvieux que les fermiers du coin ne s’expliquent pas. Mais les couleurs enchanteresses des îles, des forêts et des montagnes me laissent, une nouvelle fois dans émerveillement.

Je partage ces quelques semaines néo-zélandaises avec des amis français qui s’essaient à une année sur les Terre Du Milieu… Ensemble on range, on nettoie, on jardine et son se créé de nouveaux souvenirs communs hors du commun !
Mais cette année en Nouvelle-Zélande, je suis touriste et rapidement, je dois prendre la direction des aéroports de Christchurch et d’Auckland avant de traverser la Mer de Tasman, cap sur Sydney. Une fois de plus je n’ai rien de plus en tête que les récits de mes amis déjà partis sur l’île-continent. Ils m’ont raconté la beauté les interminables plages de sable, la grande barrière de corail, le bush à perte de vue et les forêts tropicales.

©MargauxValletPhotographies
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Cela fait presque un mois que je vagabonde sur l’île continent ; je comprends petit à petit que celle-ci à deux visages.  Australia, the lucky country L’Australie, victime de son succès, a signé les accords PVT (Programme Vacances Travail) avec plus de 19 pays et chaque année plus de 300 000 jeunes âgés de 18 à 30 ans débarquent, souvent pour une année de césure avec une envie de liberté et d’aventure exacerbés.
Sur le papier on te le vend comme un eldorado où tu trouveras du travail facilement, où tu seras bien rémunéré, bien logé, bien entouré… Et, cerise sur le gâteau, tu vivras dans un environnement fabuleux … et comment ne pas être ébahi-e-s par la grandeur et la beauté de ce pays ; des ses paysages uniques au monde ? Bien sûr que ça fait rêver. Le pire c’est que c’est vrai. En partie du moins. Car ce qui est vrai aussi, c’est que la concurrence est rude, le turn-over permanent et la vie très chère.
Australia, the lucky country « Tu verras, c’est le rêve » m’a-t-on affirmé et j’avoue : j’ai passé plusieurs semaines à m’alimenter de la beauté des paysages de ce pays si jeune et plein de promesses. Et puis, j’ai arrêté de regarder ce qu’on me donnait à voir ; j’ai soulevé le poster paradisiaque et ouvert les yeux sur l'histoire du pays … Et comme la désillusion fut grande … Je découvre que ce que les Aborigènes ont mis 50 000 ans à construire et perpétuer a été balayé et bafoué en moins de 400 ans : Vols, dénigrements, racisme, empoisonnements, meurtres ... Mais, ne m’avait-on pas promis un rêve? J’ai le vertige. J’ai envie de savoir, de comprendre… Alors, enrobée d’un vent chaud et humide je parcours les villes, recherche et passe quelques heures dans les bibliothèques pour essayer de comprendre … Où suis-je? La culture Aborigène est vaste et complexe. Avant l’arrivée des colons, plus de 300 dialectes sont parlés à travers l’Australie et on dénombre presque 700 tribus distinctes. Je comprends qu’il y a plus que les évidences et que ces peuples voient des choses invisibles que jamais mes yeux ne pourront même imaginer. Je suis transportée par les légendes millénaires. En parcourant la Province de la Nouvelle-Galles et le territoire de la Tasmanie je mets en perspective l’unicité de ce pays. Tout est beau et grand d’attention, mais tout est encore plus beau quand tu comprends que chaque ruisseau, chaque montagne et chaque forêt est l’œuvre d’un ancêtre … Et puis tout à coup le lien se fait : le pays entier est un arbre généalogique sur lequel des chemins de rêves invisibles sont tracés comme des voies de communications entre les peuples.
Je suis émerveillée par toute la magie qui se cache entre les lignes des mythes et croyances des peuples indigènes … Autant que je suis attristée de voir et savoir que les dialectes, la culture et les êtres se meurent au nom du progrès. Mais où est donc ce dieu qui pourrait à nouveau faire danser et chanter ces femmes, ces hommes et ces enfants ?

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©MargauxValletPhotographies

Ici, même le plus banal des oiseaux est incroyable par son envergure, sa couleur ou son chant, même la terre la plus simple est toujours baignée d'une lumière écrasante de beauté. Je suis évidement pleinement consciente de la chance que j’ai de parcourir ce pays, ces peuples et j’ai déjà très envie d’en découvrir plus et d’explorer loin. Mais avant de m'aventurer pleinement dans le futur, faisons un point sur le passé : Je vais te raconter une histoire. Une histoire triste et cruelle qui a marquée et marque encore les générations les unes après les autres. Cette histoire, c’est celle de ce peuple noir vivant sur des terres rouges. C’est histoire c’est celle des Aborigènes d’Australie.

Je te parle d’un temps ancien, un temps où le monde n’était que néant. Baiame, le dieu unique descendit du ciel et, sous la forme d’humains, d’animaux ou de plantes, il créa les ancêtres qui parcouraient le désert et créèrent le monde en le rêvant : C’était le Temps du Rêve *Dreamtime *Jukurrpa


Tout était froid. Tout était sombre. L’ancêtre Bur Buk Boon prépara un feu afin de réchauffer son foyer. Puis une branche d’eucalyptus creuse, attaquée par les termites attira son attention. Ne souhaitant leur faire aucun mal, il retira la branche du feu, la porta à sa bouche et souffla très fort dedans. Les termites furent projetées dans le ciel nocturne et formèrent les étoiles et la voie lactée. Pour la première fois le son grandiose et vibrant du didgeridoo se fit entendre bénissant les esprits du Dreamtime.


Je te parle d’un peuple artistique à qui Baiame donna ses traditions et ses chants. Dans la mythologie Aborigène on comprend que Chaque ancêtre totémique avait semé une liste de mots et de notes musiques le long de la ligne de l’empreinte de ses pas… Et l’Australie toute entière pouvait être lue comme une partition musicale *Bruce Chatwin.

Je te parle d’un peuple qui voit l’invisible dans la beauté de son monde et qui voyage dans le temps à travers des récits poétiques et passionnants. Un peuple réparti en centaine de tribus distinctes par leur langues, leurs territoires et riche d’une culture ancestrale, transmise oralement de génération en génération. Je te parle d’un peuple attaché à son environnement , dans lequel il vit en symbiose avec la terre et toutes les formes de vies qui s’y trouvent. Chaque individu est lié à un totem (rêve) lui même associé à un lieu, à une terre. Chaque individu est le gardien de cette terre. L’en déposséder serait comme lui arracher son âme.

En 1770, pas après pas et sans autre forme de procès, les colons se sont accaparé ces grands espaces nouvellement trouvés les déclarant Terra Nullius ; Comprenez : « terre n’appartenant à personne pouvant être légitiment conquis »
Le drapeau est planté ... Le décor aussi. Puis, suite à l’indépendance américaine, les prisons ne désemplissent pas en Grande-Bretagne, il faut de nouvelles terres… isolées, lointaines … 1788 la « First Fleet » débarque à Port Jackson, (actuelle Sydney) avec 1500 passagers dont plus de la moitié sont des bagnards. La première colonie pénitentiaire est établie le 26 janvier 1788 …  c’est cette même date qui est choisie pour la Fête nationale australienne.

La suite du chapitre est sombre et lourd de conséquence, les Balanda (non-indigènes) imposent l’inacceptable aux peuples autochtones : la politique de l’Australie Blanche, la génération volée, les expropriations, les viols, les empoisonnements, les meurtres, les chantages et toutes les promesses jamais respectées … les Aborigènes deviennent réfugiés sur leur propre terres, elles mêmes spoliés et volés.

No more whispering in our minds
No more whispering in our hearts

*Glenn Skuthorpe

Ceux des Aborigènes ayant survécu se sédentarisent dans d’effroyables campements surpeuplés ; dans des maisons insalubres. Privés de leur dignité, au nom du progrès et de l’économie, ils voient plusieurs sites sacrés, notamment dans les territoires du Nord et dans l’Ouest australien, creusés et exploités intensivement pour en extraire uranium, charbon, cuivre et or…
En 1967 (mon père avant 6 ans) ont leur reconnait la nationalité australienne mais jusque là, les Aborigènes n’étaient pas pris en compte dans le recensement national alors que l’on connaissait précisément la quantité de moutons qui pâturaient dans les prés du pays …


Depuis l’invasion des premiers colons à la fin du XVIIIè siècle, c’est comme si les Aborigènes étaient partis pour un voyage duquel ils ne sont pas encore revenus. Qui a cru que leurs rêves seraient de vivre comme leurs envahisseurs ? de porter leurs vêtements ? De suivre leurs coutumes … ? Ces peuples étaient si forts, si libres.

Jusqu’où peut-on aller trop loin?

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L’histoire se répète ; la disparition des peuples autochtones par la colonisation n’est pas une nouveauté : Etats-Unis, Canada, Nouvelle Zélande… Tous ces pays dans lesquels j’ai vécu ont une histoire similaire. L'Australie est le seul d’entre eux à ne pas avoir signé de traité reconnaissant l'attachement des premières nations à leurs terres. L'histoire montre que les « Actes », fussent-ils signés ne sont pas une fin en soi ; qu’à défaut d'action, ils ont le rôle de ne pas ignorer les êtres. ​Ceci étant, tout au long de ma route, j'ai rencontré des gens fabuleux qui, en apprenant que j'étais seule à l'autre bout du monde, m'ont tout naturellement apporté leur aide et souvent une généreuse hospitalité. Pour autant, je ne te cache pas que parfois, je ne sais plus sur quel pied danser dans ce pays au double visage… Australia, the lucky country, mais pour qui ?

 

C’est donc sur cette sensation en demie-teinte que je continue ma route… stoïque au milieu de centaines de voyageurs pressés ralliant ou quittant la gare de Melbourne.

Je continue ma route quelques centaines de kilomètres plus loin. Comme je le fais souvent lors de mes voyages, je pars à la rencontre des locaux. De ceux qui font le pays, de ceux qui travaillent sa terre et battissent le futur. Depuis quelques j'ai posé mes bagages en plein coeur de la région de Victoria qui a pour devise "the place to be" .. Et la promesse est tenue : C'est ici au pied d'un Eucalytpus géant et sous une pluie d'étoiles que je te laisse pour ce soir.

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