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GOINGWEST

Le Webzine du Projet52

Ces derniers jours avaient un air de vacances.

Le mois dernier je te racontais mes derniers jours d’aventures dans l’île Sud de la Nouvelle Zélande. Je quittais mon poste de réceptionniste à Akaroa et m’offrais quelques jours de tourisme à Christchurch … entre ruine et graffitis. Je passe une semaine à Otautahi (Christchurch) et reprends la route ; je n’ai qu’un seul impératif : être à l’aéroport d’Auckland, distant de 1200 kilomètres, dans 7 jours. Entre temps je n’ai rien prévu alors je rêve de la façon dont j’aimerais finir cette année d’aventure. Avec la pluie, j’entame un lent retour vers le Nord avec Auckland comme cap.

D’abord, je décide de faire le plus de choses possibles : rencontrer des orques sur les côtes de Kaikoura ; visiter la côte Ouest ; marcher sur les glaciers ou les survoler … (en hélicoptère ?) ; m’aventurer dans les parcs nationaux du nord … et pourquoi pas les parcourir en kayak. Mon esprit part dans tous les sens. Alors, avec mon légendaire esprit d’organisation, j’ouvre mon ordinateur et commence à budgeter ce qui ressemble désormais à un carnet de route touristique millimétré … Puis je me souviens de cette phrase vue sur la route “voyager vite, c’est voyager mal”
Je prends une seconde de recul .. J’arrête tout. Pas question de brûler les étapes. Je décide de faire un virage à 360°C : où est le sens de dépenser un mois de salaire dans des attractions desquelles je ne pourrai dire qu'une seule chose “j’y suis passée”. Moi, j’ai envie de m’imprégner des lieux dans lesquels j’ai la chance de passer. Les traverser, « parce que tout le monde le fait », sans raison ni sentiment … ça ne m’intéresse pas.
C’est décidé. Demain, j’irai au Nord. À Picton précisément. Je ne réserve rien d’autre que la liaison en bus pour 500 kilomètres d’aventure. Je sais que sur place il y a des auberges de jeunesse …  De toutes façons, il y a toujours des solutions. Mais c’est sur le site de CouchSurfing que je m’oriente. Ce site Internet, de solidarité internationale, met en relation des voyageurs et des hôtes. Les uns cherchent un endroit où dormir, les autres ouvrent leur porte. Gratuitement.
Je tombe  très vite sur l’annonce de Kerstin. J’avoue ! Je lis son profil un peu en diagonale. Elle a voyagé le monde,  vit avec ses 3 enfants … sur un bateau. Ha ! Je sens que je vais rencontrer quelqu’un de différent. Peut être même d’exceptionnel. Je lui envoie un message. Elle me répond quelques minutes après. Le rendez-vous est pris. Ça c’est l’aventure comme je l’aime.
Le bus qui fait la liaison est presque vide. Départ aux aurores ; certaines routes sont encore fermées à cause du tremblement de terre de Novembre ; un détour est prévu. Dix heures plus tard, on se gare à Picton. C’est le moment de faire connaissance. Kerstin a proposé de venir me chercher devant la bibliothèque. Il n’est que 19h,  mais la nuit est tombée depuis quelques heures déjà. Je la rencontre dans le noir. Je monte dans sa voiture. Au-dessus de ma tête, des plumes de paon pendouillent ; me chatouillent la nuque. C’est étrange, mais j’adore l’environnement. Nous faisons connaissance le temps du trajet ; elle m’explique que depuis quelques jours, et pour 3 mois, elle garde la maison d’amis. Pour quelqu’un qui a l’habitude de vivre sur l’eau c’est aussi agréable que déstabilisant d’être sur la terre ferme. Voici la maison de ses amis : je vois le canapé qui m’est normalement destiné (c’est l’idée du CouchSurfing) mais surprise ! Kerstin m’invite à la suivre au bout du couloir. Là, elle ouvre la porte sur une très belle chambre aux fauteuils colorés avec un lit double et une salle-de-bains attenante … Il y a quelques jours seulement j’appelais ça une suite dans le jargon hôtelier. Crois moi ! Après les auberges et les nuits dans des bus, tout ce confort … c’est plus qu’appréciable … c’est magique.
Je pose mes sacs dans “ma” chambre et rencontre 2 des 3 enfants de Kerstin. J’avais hate de faire leur connaissance puisque leur mère m’avait informée que, comme moi il y a quelques années, ses enfants sont instruits en famille. Nous partageons nos expériences sur les plus et moins de l’école à la maison … (en mer, de surcroit). Nous nous retrouvons tous autour du repas dinatoire et partageons anecdotes et sourires complices comme si … nous nous connaissions de longue date.
J’aimerais poser 1000 questions, “Demain, je te montrerai des photos” m’indique mon hôte. Parfait Kerstin, vivement demain ! Je m’éclipse, étourdie de fatigue.

Le lendemain matin, après une nuit réparatrice, on se retrouve pour un petit-déj’ express : dans moins d’une heure je dois prendre mon bus … alors Kerstin ne perd pas une minute et partage, comme une gourmandise, sa vie, hors du commun. Vivre sur l’eau, ce n’est pas banal ! Avec 3 enfants ça l’est encore moins. S’endormir au rythme de la houle ou se faire réveiller par des sauts de dauphins, avoir la chance d’observer des orques par le hublot ou pouvoir caresser, un instant, la baleine qui passe sous la coque du bateau .…. voilà le quotidien incroyable de cette famille extra-ordinaire.
Je l’interroge : “Mais sinon, vous partez quelques semaines en mer de temps en temps?”  
- “Non, on a le mal de mer” me répond Kerstin. Ah ben ça, je ne m’y attendais pas du tout : un comble tu avoueras !
Les minutes passent et il est temps de plier bagages. Déjà. Je me sentais bien ici et j’avais encore tant de questions … L’intuition que quelque chose d’exceptionnel pouvait arriver. On se promet de se revoir. Ici ou ailleurs … Une dernière accolade ; c’est l’heure !


 

Enfin le ferry … cette traversée que j’attends depuis un an, je la ferai depuis le pont supérieur ! Il faut au moins ça pour de dignes aux-revoir à l’île Sud. Dieu qu’il fait froid. Tant pis, j’ai envie de tout voir … de tout mémoriser, alors je brave les températures. Le capitaine sillonne entre les Malboroughs Sounds alors que les dauphins qui sautent devant le ferry rajoutent un petit cachet au paysage d’îlots verdoyants que nous contournons depuis bientôt 1 heure … Voilà le détroit de Cook, passerelle vers l’île Nord. Bientôt je poserai, une fois encore, le pied à Wellington. Là où, il y a 4 mois à peine, je vendais mon van … Je me souviens. Que le temps passe ..

La nuit dernière,  nous avons parcouru les 650 kilomètres qui séparent la capitale Wellington des lumières d’Auckland qui embrasent, de rouge et d’orange les bas nuages qui recouvrent la ville en ce petit matin. Il est 6h30 ; je retrouve la ville où cette aventure a commencé il y a un an. J’ai le dos en compote. Les yeux cernés. Et un sourire incontrôlable parce que malgré tout, rien ne m’empêchera de faire 200 kilomètres de plus pour revoir, une dernière fois, la sauvage région du Northland.
Je loue une voiture et mets le cap au Nord. Là bas, au coeur de la forêt de Waipoua trônent des arbres millénaires : les Kauri. Te Matua Ngahere (Le père de la forêt) et Tane Mahuta (Le seigneur de la forêt) sont les deux plus gros/grands Kauri encore debout de Nouvelle Zélande. Je veux les voir. Les voir en vrai !
Le Gouvernement néo-zélandais, et plus particulièrement le département de Conservation de la Faune et la Flore a, comme cheval de bataille, la préservation de ces géants. Bien que tu sois invité(e) à nettoyer tes chaussures avant d’entrer dans la forêt, tu ne pourras, en aucun cas, marcher au pied des arbres. Non, les  potentielles bactéries/maladies que tu pourrais apporter sur tes chaussures ont tendance à attaquer les racines fragiles de ces Titans majestueux. Des pontons et chemins jalonnent la forêt et chacun est invité à ne plus les quitter. Les arbres sont gardés comme de précieux bijoux ; ils sont là, droits et fiers dans un écrin de fougères et autres espèces endémiques et la sensation de petitesse est à son paroxysme. Devant ces tours de bois, je me sens minuscule. Je prends le temps de les observer, dans le détail. De les « isoler » de cette jungle dense : un large tronc, brun/gris, des branchages épars qui semblent pousser à l’horizontal tout en cherchant la lumière, au-dessus de la canopée. Dur de croire qu’ils ont plus de 2 000 ans.
Dire qu’avant leur bois était utilisé pour faire au mieux des bateaux et canoës … au pire, de vulgaires poutres dans les maisons ; la résine elle était extraite pour faire des bijoux. Aujourd’hui le Kauri est protégé et les visiteurs sont priés de contribuer à sa conservation en le laissant vivre et grandir en paix (help Kauri stay strong). Je m’imprègne une dernière fois de cette foret magique avant de reprendre la route.

C’est mon dernier jour en Nouvelle-Zélande .. tu le crois ? Moi pas du tout. L’année est passée tellement vite ; comment mettre un point final à cette histoire qui m’a 1 000 fois bouleversée. Tant de beauté et de variété. Les reliefs torturés et les collines australes et dorées de l’île Nord. L’île Sud évidement et ses interminables lacs, ses pâtures et ses fermes gigantesques au pied d’une si haute chaine montagneuse. En route pour l’aéroport je revois le visage des personnes dont j’ai eu la chance de croiser la route. Voyageurs au camping, amis français retrouvés ici, Néo-zélandais qui m’ont aidée, conseillée ou accueillie. J’ai, tout au long de ces mois, été profondément touchée par la gentillesse et l’humanité de tous ces autres qui cheminent de chez eux à leur lieu de travail … ou à l’autre bout du monde.
En rejoignant mon siège dans le dernier vol d’American Airlines de la saison, j’imagine ce qui m’attend : les heures d’attente ; des dizaines d’heures d’attente … (63, pour être précise). Je suis déjà épuisée. Physiquement, autant que moralement. J’expulse un grand soupir en jetant un regard ni tout à fait triste, ni tout à fait joyeux, par le hublot de l’avion -C’est donc bien la fin- Je ne réalise pas, tu t’en doutes. Le voyage va être long alors je ferme les yeux. Je vous revois tous : Stéphanie, Bayden, Florian, Solène, Maud, Alex, Kat, Karen, Clayton … Je ne pense qu’à vous. Maman, Papa, Cédric … Je n’attends que vous.
L’avion décolle.

Voilà 18 jours que j’ai quitté les lointaines terres de Nouvelle-Zélande. Le retour en métropole, ça se mérite, mais j’ai finalement parcouru les milliers kilomètres sans encombre. Juste quelques perturbations dans l’avion au-dessus du Pacifique. Histoire de dire. J’ai retrouvé mes proches, ceux qui envahissent mes pensées lorsque je suis si loin. On se retrouve heureux. Ça fait du bien.

Dur de dire que je rentre à la maison, car si les meubles me sont familiers, ils sont désormais dans un endroit que je ne connaissais pas encore. A Pau. A Pau où mes parents ont tracé leur route, laissant derrière eux les paysages sauvages et magnifiques de l’Ariége et s’installant quelques vallées plus à l’Ouest, entre mer et montagne, en pays béarnais. Ils ont l’air heureux, ça me réjouit. Avant de découvrir les vieilles pierres du château d’Henry IV, je dois m’acclimater. Aujourd’hui, le Sud Ouest m’accueille avec un petit 31°C plaqué au sol par un soleil de plomb, et je ne vous parle même pas de l’humidité ! J’avais pas prévu ça en enfilant manteau et bonnet pour m’abriter du froid à Auckland, il y a une soixantaine d’heures. Et je ne te raconte pas les premiers kilomètres entre l’aéroport de Biarritz et Pau : j’avais presque oublié qu’ici on roule à droite … et que l’été commence en Juin !

J’ai prévu de rester en France quelques semaines avant de repartir. Les journées passent vite. Retrouver ma famille, passer quelques jours ici, quelques autres là. Je partage mes photos, mes impressions. Tout s’accélère .…. Sitôt arrivée, il est déjà temps de repartir. Mais c’était le deal, depuis le début. C’est que de belles choses m’attendent de l’autre côté du grand lac bleu … Tu te souviens ? Comment oublier ?

Je me souviens … de là-bas .. Des journées douces, entre le fleuve et la forêt, les vagues et les résineux. Là-bas, on dort dans des bulles ou des cabanes perchées en foret. Des bélugas et des baleines se retrouvent entre les eaux mi-douces et mi-salée du Saint-Laurent et on les observe depuis le Cap Bon Désir. La grinçante poutine au fromage “squish-squish” et ses frites croustillantes. Le vin blanc australien qui se déguste en terrasse avec les “copaings” après une journée de travail. Oui ! Je me souviens là bas … Les gens sont chaleureux. Les amitiés durent. Les accents chantent, sans artifice, des liens qui se tissent, fur et à mesure des rencontres faites sur la route. Je me souviens.
Alors la prochaine sera de là-bas : Sacré Coeur, Quebec, Canada ! Et d’ici là … porte toi bien.

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