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GOINGWEST

Le Webzine du Projet52

J’ai pas géré !

Je me suis fait bêtement dépasser par les événements et le quotidien. Incapable de prendre les quelques jours qu’il me faut pour écrire et mettre en ligne ma Newsletter du mois.

Tu te sens délaissé-e ? Je m’en excuse. Platement.


Du coup j’essaie de me rattraper, ce mois-ci, c’est une double newsletter que je t’offre.

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Je te raconte tout. Mon retour au Canada, mon retour à Sacré Coeur et plus particulièrement à Canopée Lit, là où, il y a deux ans, j’avais travaillé pour la saison. Je te raconte mes retrouvailles, mes rencontres … Puis mon départ et ma route jusqu’au Colorado.


Prends une tasse de thé vert ou un petit café chaud … on passe les prochaines minutes ensemble.

33 jours après être rentrée en France il était déjà temps de re-partir. Bien sûr j’avais le coeur lourd de m’éloigner de mes proches si vite. Si tôt. Mais ça fait partie du jeu … et puis comme tu le sais, je suis attendue de l’autre côté du grand lac bleu.
C’est de Toulouse, notre si belle ville rose, que je m’envolais vers Montreal. Je quittais mes parents et mon frère le lendemain d’un match de rugby qu’on ne pouvait pas manquer et qui se jouait à Ernest Wallon : Toulouse-Pau (ville de naissance contre ville d’adoption). 1h30 plus tard Toulouse repartait la tête haute et nous, avé le sourire con’
Ce matin de 3 septembre, mon avion décolle à 8 heures. On va pas s’éterniser sur le départ. C’est pas plus mal. On se prend dans les bras une dernière fois avant quelques mois. C’est déchirant … Sous les néons crépitants de l’aéroport de Blagnac, la voiture s'éloigne
et je reprends la route, seule.

Montreal m’accueille sous une pluie de début d’automne. Sitôt arrivée, j’embarque dans un bus Intercar pour une traversée de 500 kilomètres jusqu’à Tadoussac. C’est le même trajet qu’en 2015 (Quand je quittais la Nouvelle Ecosse et décrochais mon premier emploi au Canada, chez Canopée-Lit). Le temps est finalement fabuleux et les eaux sombres du Saint-Laurent, que l’on longe depuis plus de 5 heures, me propulsent dans les souvenirs. Quel régal de revenir !


Ma deuxième correspondance de bus me dépose à l’épicerie du village. Juliette m’y retrouve quelques minutes plus tard. On tombe dans les bras l’une de l’autre, ça fait plus d’un an qu’on ne s’était pas revues en vrai. On reprend tout naturellement la conversation là où elle s’était interrompue. J’embarque dans sa Ford Escape, on emprunte un tronçon de la route 172 avant de la quitter pour le chemin de l’Anse de Roche. J’ai des papillons dans le ventre … je suis heureuse. 10 minutes plus tard : on y est ! Juliette me montre mes quartiers : une vieille roulotte américaine en Alu … J’ai l’impression d’être dans une mythique Airstream ! J’y dépose mes sacs.

J’ai déjà eu pleins d’échos et je sais que la nouvelle équipe est géniale. J’ai hate de rencontrer les employés et woofers de la saison 2017. Je retrouve d’abord les patrons Jérémie et Claire. Très vite, je fais la connaissance de Sandra la bretonne, Laure l’aixoise, Karen et Romain le couple de Grenoble, Nicolas le belge, Marie-Jeanne et François le couple de québécois et … Julien (de la Dream Team 2015 ; il avait commencé au même moment que Juliette et moi, il y a deux ans). Des retrouvailles et de nouvelles rencontres … autour d’un verre … déjà les premiers rires complices. On est tous des voyageurs, on vit un sac sur le dos et une mappemonde en main, en quête d’aventures, de rencontres, de dépaysements … ou juste parce que « No reason to stay is a good reason to go » (Aucune raison de rester est une bonne raison de partir). L’équipe est belle et soudée. Je me sens bien. On vit au présent. Et ensemble. Forcément les liens se créent. Vite.

Le quotidien est rythmé par les départs et les arrivées des touristes qui viennent découvrir les hébergements insolites de Canopée Lit : des cabanes en bois perchées aux sommets des arbres aux bulles translucides suspendues entre ciel et branches … il y en a pour satisfaire la curiosité de chacun. Quant à l’équipe : quand les uns coupent, poncent, peignent, les autres nettoient, accueillent, cuisinent. La polyvalence est de mise. Je partage mes journées tantôt avec Marie-Jeanne, tantôt avec Karen ou Sandra. Le planning change toutes les semaines et les journées se suivent sans vraiment se ressembler.

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Souvent je prépare et livre les petits-déjeuners … en forêt. Première levée, je passe en cuisine et rassemble toutes les bonnes choses préparées la veille par Juliette. Je m’occupe de mettre les granolas sur les trifle ; de réchauffer le pains et les pitas afin de les amener chauds et croustillants à nos clients. Si j’ai de la chance, je croiserai la route de lapins ou d’écureuils sur mon trajet … Un beau début de journée …
De retour à l’accueil, la journée commence vraiment. Laure ouvre la réception et offre, dès le matin, son plus beau sourire. Simultanément, Juliette parfume l’atmosphère des fruits rouges qui mijotent et deviennent une merveilleuse confiture à étaler sur ses pancakes aux bleuets. C’est le moment de la journée que je préfère.
11 heures : il faut re-partir en forêt pour préparer les cabanes et les bulles des arrivées de la journée. Efficace, chacun sait ce qu’il doit faire et très vite je retrouve les reflexes d’il y a 2 ans.
Tu me diras, il n’y a rien de passionnant à faire des ménages et je te l’accorde bien volontiers … Reste que les murs de notre hôtel insolite sont de grands, beaux arbres qui ont déjà pris les merveilleuses couleurs de l’automne ; nos couloirs sont des sentiers de courants-d’air et notre charriot de ménage, une voiturette de golf aussi bleue que les eaux de l’Atlantique. On fait des lits sous le dôme de bulles cristallines et on nettoie des cabanes en bois, à 5 mètres au dessus du sol. C’est extra-ordinaire, insolite.

Une fois par semaine chacun d’entre nous a une journée off, l’occasion de découvrir ou redécouvrir les merveilles de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean. On prend le temps de contempler la beauté de l’automne, les forets tapissées de couleurs chaudes et qui seront bientôt immaculées de blanc. On observe les baleines du Cap Bon Désir où, installées sur les rochers géants des Grandes Bergeronnes, on les laisse nous offrir un spectacle grandiose. On s’aventure de l’autre côté du Fjord, le long de la route 170 et on laisse le hasard nous guider, le temps d’une journée, avant de retourner au 303 chemin de l’Anse de Roche (Canopée Lit).
Les autres jours, on prend le temps de se connaitre les uns, les autres. De partager nos vies, nos doutes, nos peurs mais aussi nos joies et les merveilles rencontrées sur La Route.
C’est tout ça l’esprit du voyage non ? Une trêve pour aller à la rencontre des autres ; s’ouvrir et découvrir. La communication prend une place capitale et il suffit d’un regard, d’un sourire pour inviter l’autre au partage. Je suis convaincue que les plus belles rencontres sont celles qui sont inattendues et improvisées. Et souvent la magie opère. On se trouve des points communs : on se rend compte qu’on aime la même musique, les mêmes films … qu’on a les mêmes passions, les mêmes talents. Alors, on se retrouve dans l’atelier pour façonner des petits objets en bois qu’on finira par s’offrir les uns aux autres. On se balade sur les sommets du Fjord pour remplir notre besace à souvenirs et notre coeur de moments partagés. On s’entraide. On se raconte nos vies .. On pleure, on rit ! Bordel, qu’est ce qu’on a ri !! On vit intensément jusqu’au bout, jusqu’au dernier moment .. Jusqu’à l’heure H du jour J … on vit intensément … ensemble.

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Puis arrive le moment où il faut mettre un point final, en bas de la page. Alors on partage un dernier verre, un repas. On s’enlace et on finit par pleurer … de la joie de s’être rencontrés … de la tristesse de devoir se quitter … l’émotion est trop lourde à porter. Parce qu’on vit intensément et sincèrement. Et parce qu’être triste ça veut juste dire qu’on a été touché.
7 semaines plus tard, l’aventure se termine comme elle a commencé, à bord du Ford Escape de Juliette.
La seconde après avoir dit au revoir à tout le monde, la seconde après avoir croisé les derniers regards pour la dernière fois, je me rends compte que le point final vient d’être posé. Chacun à sa façon a marqué mon aventure, mon esprit, mon coeur et mon âme. Il faut être forte … partir. Partir pour mieux se retrouver. J’ai envie de croire qu’on se reverra.

La route est longue, le bus est plein. Voilà 3 ans que j’accumule les kilomètres. Plus de 100 000 au compteur et aujourd’hui j’en rajoute quelques milliers. Je rejoins la ville de Québec le temps d’une soirée. J’arrive à l’auberge dans laquelle j’ai réservé un lit. Je n’ai rien à faire d’autre que de préparer mon voyage de demain. Refaire ma valise, mon sac. Recharger toutes les batteries de mes appareils …  demain je passe la frontière américaine pour les prochaines semaines.

C’est depuis Las Vegas que j’écris ces quelques lignes. Ce matin, à 12h20, j’ai quitté le Quebec. J’avais le coeur lourd de partir … et l’envie de voir ce qui m’attend après. Escale à l’aéroport de Newark en direction Las Vegas que je rallie en trois heures sur un vol United.
Reste à aller jusqu’à la gare Greyhound : je monte à bord d’un mini-bus partagé pour parcourir, en 45 minutes, les 30 kilomètres qui me rapprochent du Colorado. Il y a tellement de lumières, tellement de gens. C’est  troublant. Arrêt à l’hotel Plaza, à quelques mètres de la gare. Je rentre et m’installe sur l’un des bancs. Il est tard ; la gare est pleine ... C’est drôle il y a 1 an, c’est avec mon frère que j’étais installée ici, à ce même endroit. Aujourd’hui j’y suis seule, entourée d’hommes seuls et physiquement marqués par une vie d’excès. Rapidement je quitte ce lieu ; je suis à deux pas de Fermont Street (la plus vieille rue de Las Vegas) ; j’y trouverai un endroit où me poser quelques heures. Au-dessus de ma tête un écran géant retransmets un concert de Linkin Park et une ZipLine donne quelques minutes de sensations fortes à des touristes en manque d’adrénaline. Ça fait bien longtemps que je n’avais pas vu AUTANT de monde. Il fait chaud, la musique est forte, l’ambiance strass-et-paillettes est là. Je n’accroche pas. Je m’éloigne et trouve refuge dans un diner qui sert des pancakes surgelés et des burgers gras en 24/7.
C’est pas très accueillant mais c’est un refuge. J’ai 6 heures d’attente avant ma prochaine correspondance. 6 heures dans cette ville qui ne m’attire pas le moins du monde et où je reviens sans cesse …. Tout ici est excès. Les couleurs dégueulent .. Les gens aussi ! Ça sent l’urine chaude, la clope froide. Les tentations sont partout. Il n’y a aucune finesse et le bon gout brille par son absence. C’est un dégueulis d’horreurs. Une infamie humaine. 6 heures ici ? Autant qu’elles soient productives. Il est plus ou moins 22 heures, je m’installe à l’une des tables, tout de suite on m’accueille avec la carte. J’ai rien mangé depuis ce matin .…. Je commande un sandwich, une boisson et je sors mon ordinateur.

Encore 3 heures d’attente. Puis encore 11 de voyage. Le Colorado aussi se mérite. J’ai hate. Tellement hate d’arriver. J’essaie de faire passer le temps. J’écris, je lis, j’écoute de la musique. La serveuse a eu le temps de resservir mon verre deux fois. Je ne l’ai même pas vu faire. Le temps est suspendu. Je ne pense qu’à une seule chose .. PARTIR. Ou arriver plus exactement.

Minuit !!! Je m’approche de la gare. Il y a toujours autant de monde. Je me demande si on va tous au même endroit, si on prend tous le même bus. Je vois une place libre, j’y pose mon sac. Délivrance.
A cette heure tardive beaucoup de voyageurs essaient de récupérer un peu du sommeil perdu en chemin. Assis … couchés … ils dorment sur un banc, quand d’autres sont à même le sol, accoudés sur leur sac. Certains se grillent les yeux avec les néons blafards de la gare Greyhound en essayant de combattre la fatigue. Personne ne se connait mais on entame la conversation en toute simplicité. Quand on y pense, on passe des heures … des jours ensemble. ça rapproche forcément. C’est la magie du voyage en bus .. c’est la magie du voyage en bus en Amérique.
Voyager en Greyhound c’est être seul … mais ensemble. Il ne faut pas avoir peur des autres. Car évidemment … les caractères de chacun s’expriment au fil des heures et on tombe forcément sur des personnalités étonnantes. Souvent je me dis que si je prends le bus c’est pour éviter des frais exorbitants de l’avion ou du train … mais les personnes que je côtoie là, maintenant … avaient-elles un autre choix pour aller d’un point A à un point B. Car si cette liaison est bel et bien une aventure pour moi, (j’imagine que) pour eux c’est la seule façon d’aller au travail, de retourner à la maison … à moins que ce ne soit une façon de s’échapper … de partir.
Dans la gare, un vieil homme pousse son charriot de nettoyage. Il prend sa pelle et son balais et s’efforce, sans conviction, de rendre l’endroit moins froid, moins indifférent. Personne ne le voit. Personne ne le regarde. Il est invisible, presque comme son travail. ça a quelque chose de terrible.
Il s’accroupit difficilement pour ramasser une canette et en se relevant nous échangeons un regard. Je lui souris. Il me rend la politesse. Juste un peu d’humanité partagée dans cette déchetterie humaine.

1h30. C’est l’heure de départ ; le bus n’est pas encore arrivé. C’est frustrant mais personne ne dit un mot plus haut que l’autre. Les retards, ça arrive, c’est la vie. Il va bien finir par arriver, autant rester optimiste.
1h45 une foule entre dans la gare. Je suppose que le bus vient d’arriver et que les voyageurs font une pause. Super on va pouvoir partir, entamer les 11 heures de voyage ; se reposer.
Enfin ça c’est ce que je pensais. Ça fait bientôt 40 minutes qu’on est tous en ligne, prêts à embarquer. Notre chauffeur est bien au volant mais il lit des papiers. Il n’a pas l’air de se précipiter plus que ça, alors qu’on a déjà 50 minutes de retard. On attend. Tout le monde s’efforce d’être patients. 10, 15, 20 minutes. Ah ! Un mouvement. Il a l’air de bouger. Tranquillement ! Il ouvre la porte. On embarque. Le bus n’est pas plein, c’est bien : chacun à deux sièges, on va pouvoir s’étaler, ça sera plus confortable.
20 minutes après avoir embarqués, le moteur s’allume enfin. On prend la route ! Ca ne fait que 7h30 que j’attends de quitter le désert du Nevada … à moi le coloré Colorado.
La climatisation est à fond, je me couvre, rien ne m’empêchera de m’endormir ce soir. Je me reveille quand même plusieurs fois. Il n’y a pas un seul bruit dans le bus. Le moteur ronronne et la route nous berce. Il fait encore nuit noire dehors ; au loin un point de lumière. Une station service. D’un coup le bus s’éclaire et une voix annonce le « first stop ». Tout le monde sort une minute. Chaque occasion est bonne pour prendre une bouffée d’air frais et se dégourdir les jambes. 5 minutes plus tard on rembarque. Cette nuit est interminable. Encore 7 heures de route. J’allume mon iPod et me rendors doucement … en musique.

Le jour se lève ; les couleurs du petit matin apparaissent petit à petit. C’est beau. On vient de rentrer dans le Colorado. Il est maintenant presque 14h. Je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre les conversations des autres passagers, et je sais que la plupart a encore un minimum d’une trentaine d’heures de voyage ! Grand Junction est en vue, c’est mon arrêt !!! D’ailleurs, je suis la seule à descendre ! Bonne route les gars !

Danny m’attend ici. Ça a un goût de déjà-vu puisqu’il y a deux ans c’était ici qu’on s’était rencontrés. Le début d’une belle amitié. On se retrouve comme si on s’était quittés la veille.  C’est chouette. Danny profite d’être en ville pour faire quelques courses et assez vite on reprend la route, plein Sud ! Encore environ deux heures de route avant d'arriver à la maison. On traverse des vallées baignées des couleurs de l’automne, puis on longe des canyons rouge vif. Le temps est fabuleux, la route est magnifique, elle m’émerveille … à chaque fois.
Comme prévu, 2 heures après avoir quitté « la ville » nous arrivons à Nucla. Je reprends vite mes marques dans cette maison que j’ai gardée il y a deux ans et dans laquelle j’ai amené mon frère il y a un peu plus d’un an. Tout ce qui m’entoure est familier. Même Kirby le chien de la famille me reconnait.
Sitôt arrivée, sitôt partie. La saison de chasse commence demain, Shirley et Danny ont tous deux reçu un permis cette année ce qui veut dire qu’ils ont le droit de chasser, dans les 10 jours autorisés, 1 cerf chacun. 2 cerfs, c’est presque deux ans de viande dans le congélateur, donc oui, c’est important pour eux.
La veille de l’ouverture, le jour de mon arrivée donc, Danny m’amène faire des repérages. Le long de la route il est ravi de me faire partager ses souvenirs de chasse « ici à cet endroit, j’ai tué mon premier cerf .. Là mon premier élan ». A bord de son pick-up blanc qui surplombe la route à 1m50 du goudron, nous partons à l’aventure : routes de gravelles, sentiers escarpés, chemins presque abandonnés dont lui seul connait l’existence. On a la chance d’observer des cerfs, des biches, des faons et même un coyote. Quelle chance !
La nuit tombe et nous offre une merveille de coucher de soleil, de l’orange au rouge suivi par un bleu profond … j’en prends plein les yeux. Demain, c’est à 6h15 qu’il faudra quitter la maison … On rentre.

C’est le Jour J. Le jour que Danny et Shirley attendent depuis des mois. Une fois de plus Danny et moi grimpons dans le pick-up, en route pour Hamilton Creek. C’est l’endroit préféré de mes hôtes. On ne perd pas une minute. Le 22 long rifle de Danny est posé entre nous sur le siège de devant, les balles sont sur le tableau de bord, c’est aussi perturbant qu’intimidant. On gare le pick-up en haut de la colline et on part à pied, à la recherche du cerf parfait. On descend doucettement dans le canyon … On marche sur des oeufs. Le sol est sec ; les herbes crissent sous chacun de nos pas. Aucun animal à l’horizon. Après 2 heures dans la nature, on décide de rebrousser chemin, ce n’est que le premier jour. Et ce n’est pas un succès.
Le soir-même à 17h c’est à trois que l’on reprend la route. La même. On s’engage finalement sur un chemin minuscule tracé par deux buissons. Il y a des crevasses et des trous énormes dans ce qui nous serre de route. Les branches mortes grincent le long de la calandre comme une craie sur un tableau noir … ça rajoute à l’ambiance. Puis là, au beau milieu d’une petite clairière, un cerf et une biche mangent paisiblement. Danny ne perd pas une seconde. Il saute du pick-up, arme, vise, tire … 5 secondes plus tard, le cerf est au sol. Un seul tir. C’était le bon.
Il se remet au volant et approche le véhicule de la bête. Très vite, il commence les manipulations de dépeçage. Je ne suis pas habituée. C’est même la première fois que j’assiste à la mise à mort d’un animal sauvage. Ça me prend aux tripes. Ça me met mal à l’aise. En quelques minutes la bête inerte est chargée à l’arrière. Nous rentrons et, à la maison sous un plafond d’étoiles Danny finit le travail de dépeçage. Je me contente de lever les yeux au ciel et d’observer le spectacle. Une beauté.

Le lendemain, 6h15 nous repartons. cette fois-ci c’est à Shirley de trouver son cerf. Nous allons dans le même secteur. Il n’est pas encore 7h20 que Shirley a déjà repéré un animal qui lui convient. Elle sort, s’éloigne de la route puis s’installe pour tirer. L’animal bouge et la manoeuvre est plus compliquée que prévu ; soudain l’animal s’arrête et jette un regard vers la chasseuse. BAM. L’animal a été touché mais il n’est pas tombé .. Danny sort du pick-up. Fusil en main il part à la recherche du cerf qui s’est enfuit vers la forêt. Shirley s’est assise. Elle est au sol et se tient la tete. Elle se tourne. Son visage est en sang ! Je suis choquée. Elle s’est blessée en tirant. La lunette de son fusil a tapé dans ses propres lunettes et lui a tranché l’arcade sourcilière. Je trouve quelque chose pour arrêter l’hémorragie … on entend un coup de fusil. « Danny’s got him » me confie Shirley. Quelques minutes plus tard en effet, Danny sort du bois, le cerf a été mis à bas. Même scénario : il faut le vider. Il faut faire vite. Puis le charger à l’arrière du pick-up pour finir de le dépecer à la maison. Avant 9h nous sommes de retour à la maison.
Shirley saigne toujours ; sa coupure semble profonde, elle doit être soignée. Il y a une clinique dans le village mais elle n’est pas ouverte le dimanche. Aucun docteur dans les environs alors pas le choix il faut aller en ville pour trouver un hôpital et un service d’urgences. On décide d’aller à l’hôpital. Je la conduis à Moab, à plus d’1h30 de Nucla. Nous arrivons un peu avant 11h (les services hospitaliers ouvrent à 11h ici, ce qui nous laisse quelque minutes pour remplir les formulaires de pré-admission). 11h23 Shirley est prise en charge. 12h30 elle ressort de l’hôpital avec 4 points de suture. Bonne décision. On peut rentrer.

Puisqu’ils ont eu les animaux autorisés, la saison de chasse est donc finie pour eux … je vais profiter de mes fins de journées pour redécouvrir les endroits qui m’avaient tant marquée lors de mes précédentes visites. Je commence par l’aérodrome à quelques minutes de la maison en Subaru, l’occasion d’aller promener Kirby. Comme je te le disais plus haut, l’automne est bien installé après un été sec. La terre est aride et chaque pas n’est que poussière. Kirby chasse les lapins et moi, je me balade en pensant à ce qui m’attend ces prochains jours, ces prochaines semaines … Ces prochains mois. J’ai des projets plein la tête et toujours plein d’envies. En attendant de réaliser encore quelques rêves, je te laisse sur ce plateau désertique, dans les contrées du Colorado et je te dis à dans quelques semaines … dans ma prochaine Newsletter.

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