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GOINGWEST

Le Webzine du Projet52

Mon grand père rêvait d’être pilote d’avion ...

 

Aujourd’hui il vole au dessus du ciel et il tutoie les étoiles qu’il aimait tant contempler. Je dédie cette newsletter à papy Marcel. Mon grand père chéri qui a inspiré son dernier souffle de vie jeudi dernier dans le doux cocon de son logement provençal près de sa femme, qu’il aimait tant.
 

Sa voix ne résonne plus dans la maison et sa présence est déjà un manque irremplaçable. Papy laisse derrière lui le souvenir d’un homme bon, doux et généreux. Un grand-père aimant et aimé. Une âme belle. Une rencontre merveilleuse.
 

« Goodbyes hurt when the story is not finished… »
 

A toi Papy.

AGADIR • 10 > 17 JANVIER 2018

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Je marche pieds nus sur le sable de la plage d’Agadir. Le soleil est brûlant aujourd’hui. Aussi brûlant que ce qu’un hiver marocain puisse offrir .. le thermostat affiche plus de 20°C .. Quand je pense qu’il y a 72 heures je tremblais sous les -25° degrés québécois (ressenti officiel -39°C… à cause du vent)
Le ciel bleu est filtré par des teintes beiges. Un ciel de désert, typique du souvenir d’enfant de ma petite mère avec qui je partage ici 7 jours de repos, de douceurs, de miel et d’amandes.


Je marche pieds nus sur le sable et mes pas m’amènent vers l’eau. Vers les eaux. Celles de l’Atlantique. Le courant est fort et les vagues salées ne cessent d’aller et venir sur le sable fin et compact de la plage. Les plus audacieux ont enfilé une combinaison, attrapé leur planche et courent affronter le remous. Les plus farouches se contentent de contempler la scène, de marcher le long du rivage… où ils s’octroient une trêve bercés par le vent et les vagues. 


 

Je marche pieds nus et des histoires d’enfance me reviennent. Les odeurs d’une cuisine délicieusement orientale … Papy préparant le thé à la menthe ; ma grand mère et sa mère prenant à pleines poignées la semoule brûlante sortant d’une première cuisson à la vapeur pour enrober chaque grain d’huile d’olive. Chacun à son tour, ou dans une improbable cacophonie toute méridionale, racontait une version de son quotidien aventureux au Moyen-Orient. On me racontait l’infini désert, les miraculeuses oasis, vertes et fraîches… et les palais magnifiques richement décorés de marbres, de dorures et de cristal. On me peignait, en quelques mots, la couleur des couchers du soleil, l’odeur des épices et la saveur de mets qui régalaient nos repas familiaux.


Je marche… et je pense. Me voilà à l’aurore de mes 25 ans et pour la toute première fois je me trouve sur le continent de naissance de ma grand-mère, de sa mère et de sa mère avant elles. Des générations de vies. Des générations d’histoires. D’histoires et de souvenirs qui me sont forcément familières. Chez moi ça sentait comme ici. Du Raz El Hanout au Paprika. De la coriandre à la menthe. Ça sentait l’Orient à pleine bouffée. Ça sentait la chaleur ; ça sentait le vent. Le désert et l’océan. … C’est simple dans le fond : ça sentait le bonheur !

 

J’étais petite mais je me souviens. Là-bas en Provence le grand-père de ma mère avait trouvé une terre sous le soleil. Ce n’était pas l’Afrique du Nord, ce n’était pas l’Orient mais il y ferait bon vivre. Alors, de ses mains, il y a construit une maison et 50 ans plus tard, quatre générations y cohabitaient. Les tapis de Perse aux motifs typiques jonchant le sol, les couverts en argent sur la table décorée, les repas dans le salon, les souvenirs qui s’invitaient dans les conversations et les histoires sur l’Arabie-Saoudite. Celle des années 70 où il y avait tout à faire. Une opportunité à saisir, une vie à construire… alors mes grands-parents étaient partis sans vraiment regarder en arrière. Et l’aventure a duré. Vingt belles années.

Si tu pouvais voir les yeux de ma mère raconter comment son père négociait, pendant des heures et des heures, les tapis dans les souks de Jeddah, près de l’ancien aéroport. Si tu avais pu entendre la voix de mon grand-père raconter les détails merveilleux des palais dont il gérait la construction. Si enfin tu pouvais goûter le houmous que ma grand mère sait faire mieux que n’importe qui… alors tu comprendrais …
Aujourd’hui ne restent de leur aventure que des objets incroyables ramenés au pays, quelques souvenirs figés sur des diapositives d’un autre temps ou sur papier glacé préservé dans de grands et lourds albums… et toujours, d’interminables histoires à partager, à écouter …


Pour la première je vois en vrai ce que mes grands parents et ma mère ont passé tout une vie à me raconter. Tout est vrai. Non pas que j’en ai douté un seul instant, mais tout ce qu’ont m’avait dit, tout ce que j’avais imaginé … tout est bien réel et bien là devant moi : Les épices, les souks, l’insistance des vendeurs et les interminables négociations pour 3 bouts de tissus. Les « bonsoir gazelle » à chaque passage devant une échoppe. Le houmous qui baigne dans l’huile d’olive, la viande qui pend devant les étals des bouchers, les femmes voilées et celles qui ne le sont pas, les yeux maquillés de Khôl. Les hommes et leur gouaille, l’insistance des regards. Mec, y a tout. Les gâteaux marocains imbibés de miel, d’amande et de Bonheur. La couleur du ciel, le smog ambiant poudré de sable. Les mosaïques, les divines piscines, l’odeur de l’huile d’Argan. Le parfum du thé à la menthe. Si tu savais la fraîcheur des légumes, le craquant des fruits. Tout y est, les immenses mosquées, les tuniques colorées. La pollution dans les rues, dans les compagnes et jusque dans les dunes du désert. Le contraste portée par une élite, jeune et riche et la population, pauvre et vieillissante. Les vieilles Renault garées près des nouvelles Porsche. Le scintillement des lustres de cristal dans les hôtels et celui, moins tape-à-l’oeil mais tout aussi magique de celui des astres dans la fraîcheur de la Nuit… Et j’entends la voix de mamy souligner le signe du destin « Mektoub » (C’était écrit) …
 

Agadir ne nous a rien offert de plus qu’une trêve. Agadir ne nous a rien offert de moins que du temps. Alors on a tout pris… et Dieu que c’était doux de prendre le temps de regarder la lumière onduler sur les vagues et de sentir la chaleur du soleil réchauffer notre peau pâlie par l’hiver.
L’hiver marocain, son air chaud et sec a su me remémorer les souvenirs d’enfance et réchauffer les âmes. Maman et moi avons trouvé ici l’appétit oublié et rattrapé le temps perdu. 7 jours pour se retrouver et profiter de l’autre à la frontière du désert majestueux et de l’infini océan. Une semaine loin de tout mais près de toi et Dieu que le temps fut doux à tes côtés maman.

Sans transition aucune après cette semaine de douceurs orientales, il fut temps de quitter Agadir, et c’est un taxi très couleur-local qui nous conduisit vers l’aéroport Al-Massira nous offrant, du même coup, une dernière suée par sa conduite très… intuitive. Il suffit de trois heures pour passer de l’explosion de couleurs du Maghreb aux multiplies nuances de gris de la région parisienne. Mais Paris ne sera qu’une étape.

Maman me quitte là, elle rentre dans le Sud ; moi, c’est mon frère Cédric que je retrouve à la capitale.
Orly bus bondé, Métro Denfert Rochereau surchargé puis le RER B vers Paris CDG. Nous quittons l’hexagone destination Londres. Dans l’aéroport de Gatwick nous trouverons une fontaine pour nous hydrater, une banquette pour nous reposer une courte nuit sous les néons et les écrans des départs/arrivés. 03h30 : fin de la nuit.

Nous passons sécurité et douane. Il nous reste 1 vol. Un cap.

ISLANDE • 18 > 25 JANVIER 2018

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Nous attendons tellement de toi. Raconte-nous ton histoire. Confie-nous les légendes millénaires d’elfes, trolls et monstres marins. Apprends nous ta langue et toutes les sonorités de ce langage que tu utilises depuis plus de 1000 ans. Donne-nous sans retenue neige, soleil, grand froid et grand bleu. Fais nous frémir sous les températures négatives et les vents glacés. Demande au soleil d’illuminer chaque courbes des reliefs si variés qui te composent. Islande, fais danser tes plus belles couleurs dans le ciel étoilé. Offre nous un peu de beauté et laisse nous découvrir ta terre de glace.

Tu commences à me connaitre maintenant. Nous partons mais nous n’avons rien prévu. Prévoir c’est planifier. Planifier c’est tricher. Nous n’avons pas de d’idées préconçues en tête, par contre on sait déjà que nous fuirons les lieux touristiques. Seul notre instinct nous guidera le long de la route 1. Si ça nous plait à gauche, c’est là qu’on ira, sinon on continuera tout droit sur la Route d’Or. Les kilomètres défilerons sous nos yeux et seules les routes fermées ou trop enneigées seront un obstacle.

Depuis le hublot de notre avion c’est un paysage lunaire qui défile sous nos yeux. Du blanc. Du blanc. Puis une route, noire. Un pays en monochrome en somme -Il semblerait qu’ici les couleurs n’apparaissent que dans les cieux-
9h36 : notre avion se pose sur le tarmac de l’aéroport de Keflavik. Il fait nuit noire. L’air est glacé. Nous découvrons la petite citadine aux pneus cloutés que nous venons de louer pour une semaine. Cédric enchaîne sa deuxième journée sans sommeil. Nous avons les yeux marqués, les traits tirés et des envies de découvertes et d’aventures qui tiraillent nos entrailles et nous prennent là… au fond du bide. Partir. Partir. Partir et découvrir. La neige est fraîche sur les bas-côtés. La route est parfaitement praticable. Le temps est fabuleusement beau.
Nous sommes prêts. Direction plein Nord. On récupère quelques victuailles locales sur la route, quelques brochures et un plan de la ville, puis du pays par région. L’itinéraire n’est pas encore très clair ; il se dessine au fur et à mesure. De quoi d’autre avons-nous besoin au final ? Rien de plus que nos pieds pour nous porter et notre mémoire pour se souvenir de ce que nos yeux observeront.

Nous perdons tous nos repères ; très vite. Impossible de s’orienter puisque dans ce pays le soleil ne daigne pas se lever aux aurores. Il semblerait qu’il soit ici une sorte d’adolescent qui refuserait de commencer sa journée avant 11h. La nuit dure une éternité (18h-11h) mais une fois qu’elle se décide à laisser sa place au jour, c’est toute une panoplie de lumières, de couleurs et de contrastes qui s’offrent à nous. Ah, si tu pouvais voir ces couleurs ... Le ciel passe du noir au bleu, du bleu au rose dans une lumière subtile. Chaque nuage est différent, a une teinte particulière. Le jour ressemble à un lent lever de soleil. C’est grandiose. Absolument grandiose et quand tu y penses… chaque jour est différent et que seul le futur sait ce que demain réserve. Demain …

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Demain nous passerons un moment à Reykjavik, la capitale la plus au Nord du monde -T’imagines il y a un an et demi j’étais aux antipodes, à Wellington, la capitale la plus au sud du monde-
Reykjavik héberge 60% de la population islandaise, c’est LA grande ville du pays. Avec ses maisons colorés, ses immeubles au pied de l’Océan et les montagnes de l’Esja en fond, c’est une carte postale grandeur nature… une surprenante étape sur notre trajet. Très vite nous traçons sur la route 1 que nous ne quitterons presque plus jusqu’à Akureyri, à environ 400 kilomètres de l’endroit où nous nous sommes réveillés ce matin.
Le jour suivant, nous passons le 66è parallèle Nord. Oui, là-haut, tout en haut de la carte. Cédric et moi regardons l’horizon… Au loin, c’est le cercle arctique. Quasiment à portée de main. Mais pour l’atteindre, ou presque, il faudra affronter -23°C , le vent, la neige, le verglas et les congères sur la route. Sois en certain, rien ne pourra nous dérouter de notre objectif : aujourd’hui, c’est écrit, nous longerons l’Eyjafjörður, le plus long fjord islandais avec comme unique cap Siglofjörður à moins d’un quart de degré du Cercle Polaire. Le ciel est bas. Le ciel est blanc. La route est longue. Elle est blanche, elle est glacée. l’Eyjafjörður est majestueux autant par la force de ses vagues que par son courant et ses couleurs d’un bleu-gris profond. Quelle merveilleuse journée.
22h09 le soir même. Nous nous garons sur le bas côté enneigé de la route 82. Le ciel est plutôt clair et la nuit étoilée, le vent, glacial comme à son habitude. L’Islande, c’est une terre courage.
J’ai tout juste le temps de sortir trépied et appareil photo : un nuage haut dans le ciel attire mon oeil … « Elle suspecte le ciel. L’éclat distinct d’un souvenir québécois » … je déclenche, presque machinalement. 25 secondes de pose. Une vague. Du vert, du rose. De la couleur. Enfin. Bordel, elle est là sous nos yeux ! Ce soir la belle Aurore danse pour nous sous les astres. Je saute littéralement de joie. Je sens la chaleur remonter du plus profond de mon ventre. Un sentiment de plénitude, de joie, d’émerveillement. Je suis heureuse. Heureuse devant tant de magie. Comment une tempête solaire peut elle produire un spectacle d’une délicatesse aussi pure ? Cédric et moi restons là dans le froid à admirer le merveilleux spectacle qui se joue au-dessus de nos têtes. Les Aurores onduleront là pendant près de 40 minutes. Quelle chance d’être là. Quelle chance de les partager ensemble. Oui, cette journée fut merveilleuse.

Demain nous reprendrons la route. Aujourd’hui c’est une suite de chaînes montagneuses qu’il faudra contourner jusqu’à Egilsstaðir. Une fois encore le paysage évolue au gré des kilomètres que nous parcourons sans être jamais rassasiés d’asphalte. Nous sommes au coeur du fabuleux. Au coeur de la roche, des volcans, de la montagne. Le relief est accidenté, les eaux bouillonnent et certaines cheminées laissent échapper une fumée des profondeurs de la Terre.
Un nouveau jour, un nouveau paysage. Nous retrouvons la route 1, sinueuse, irrégulière, entre roches et océan. Les températures se sont adoucies, la neige a fondu autour de nous laissant apparaître des rochers, de la mousse, de l’herbe. La couleur est désormais aussi terrestre que céleste : le paysage a un air de printemps. De printemps islandais avec ses cascades gelées sur des parois rocheuses et noires qui plongent dans un champ de lave pétrifiée partiellement recouvert de mousse … Cette journée est d’une douceur incomparable.
Un nouveau lever de soleil ; une nouvelle facette au détour d’un virage sur la route 1 : Vatnajökull apparait. Ce glacier majestueux d’un bleu turquoise recouvre 8% de la surface Islandaise. Ici la « terre de glace » prend tout son sens.  Sur presque 200 kilomètres Vatnajökull nous snobera de sa solennelle présence sur la droite de notre route, puis, sans transition nous traverserons d’immenses lagons jusqu’à Vik. Là bas, en regardant vers le large tu ne pourras pas manquer les Reynisdrangar. La légende dit que cette formation rocheuse serait en fait des trolls qui, au contact de la lumière, se seraient pétrifiés. Ah l'Islande.

Nous continuons la route. Volcans, plages noires, montagnes, neige, plaines et toujours une ville au bout de la route. Les lumières orangées de Reykjavik se reflètent dans les nuages. La boucle est bouclée. 1 semaine, 1 800 kilomètres. 7 jours, 7 facettes… Cette semaine fut aussi douce qu’une poésie.

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Nous quittons les terres de glace. Nous quittons le dépaysement blanc. 3 heures d’avion jusqu’à Gatwick, 2 de plus pour rallier Toulouse. Le retour est interminable. Il y a 6 mois c’est ici que nous nous étions quittés alors que je partais pour le Canada. Aujourd’hui j’y retrouve ma mère que j’ai quittée il y a une semaine et mon père que je n’ai pas revu depuis 6 mois… Encore 1h30 sur  l’A64 jusqu’à Pau et nous pourrons nous poser. Quelques jours. Bientôt, un nouvel environnement et de nouvelles aventures qui m’attendent en plein coeur des Alpes.

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