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GOINGWEST

Le Webzine du Projet52

Il y a quelques jours seulement je me lançais dans une refonte des plus banales de mon CV. J’avais du temps, un brin de motivation et c’était l’occasion de me mettre à jour, histoire d’être prête à saisir une opportunité si elle se présentait …

J’ai passé une après-midi entière à agencer des blocs textes qui résument en 2 pages les 8 dernières années de ma vie professionnelle. Expérience, stages, formations. J’ai tout repris depuis le début : les missions d’intérim, les petits boulots à répétition, les travaux de photographies … Puis tout à coup, j’ai eu un doute. Une angoisse… puis une question : une fois que ce fabuleux voyage se sera essoufflé, que je serai fin prête à me poser et me lancer dans un nouveau projet… qu’est ce que je vais bien pouvoir faire ? … mon avenir … Voilà une question que je ne m’étais pas posée depuis la 4ème au moment où on me demandait de choisir une filière. Au moment où la seule idée de me projeter dans le futur était une réelle agression.

J’avais 12 ans quand on m’a demandé ce que j’allais faire de ma vie … je ne savais même pas qu’elle était ma couleur préférée et il aurait fallu que j’aie un plan de carrière détaillé à décrire à l’étranger qui me servait de prof … ?

Comme je n’y arrivais pas, ils m'ont dit que je n’arriverai à rien. Alors j’ai choisi la facilité et j’ai abandonné. Je me suis laissée convaincre que mes rêves étaient bien trop grand pour l’enfant que j’étais. J’avais 12 ans et j’avais déjà baissé les bras.
Mes parents ont vu ma détresse et ensemble on a choisi de me sortir du système scolaire. Presque du jour au lendemain ma mère a mis un terme à sa carrière de journaliste avec pour unique objectif de m’aider à déployer mes ailes brisées. Il y a eu des hauts et des bas, des orages, des éclaircies avant que le soleil ne brille à nouveau de mille feux… et j’ai repris confiance… pris ma vie en main. Tu le sais, j’ai un parcours atypique et j’ai toujours fait en sorte que ça soit un atout plutôt qu’un boulet que j’aurais trainé au bout d’une chaine, mais quand j’y pense, je n’ai jamais vraiment pris le temps de réfléchir à la question de Mon avenir. Quelles sont mes envies ? Quels sont mes rêves… et mes passions ? Quelle profession pourrait bien me faire vibrer… tous les prochains jours du reste de ma vie ?

Dans quelques semaines je fête mes 25 ans. Contrairement à un grand nombre de mes amis qui ont fini leurs études et entamé une carrière, souvent prometteuse, qui ont leur nom sur un bail, qui sont pour certain devenus parents, ils ont un chien, une voiture, une routine, parfois même un logement dont ils sont propriétaire… et un crédit … sur 20 ans, moi … ? Je n’ai pas de diplôme  à encadrer dans le salon familial. Ma victoire, elle n’est pas en bas à droite d’une feuille de paye. Mes parents m’ont fait grandir loin des autoroutes toutes tracées et m’ont offert un horizon qui n’était fait QUE de possibles. Pour la première fois aucun de mes rêves n’était trop grand. Alors forcément, je ne colle pas au modèle imposé et je refuse de rentrer dans le tiroir qu’on me tend, même si il me promet confort et sécurité … Je ne suis pas prête. Pas maintenant.

Je trace ma route. Pour apprendre à me connaitre vraiment. Je pars, sans projet, sans vision à long terme et je préfère ne rien planifier car je crois en l’instantanéité et à la magie de l’imprévu. En fait, j’ai envie d’une vie qui ressemble à une suite de Polaroïds dont les images n’apparaissent qu’au contact de la lumière. Dans l’album de ma vie, j’aimerais retrouver le sourire des gens qui ont croisé ma route. Je ne veux pas oublier leur regard. Mes trésors sont la lumière de levers de soleil et le souvenir des espaces infinis dans lesquels j’ai eu la chance de m’évader. J’ai envie de croire qu’avoir vu la lune briller de l’autre côté de la planète a changé ma perception des choses. Et c’est vrai, loin de mon Sud-Ouest natal, mes émotions sont démultipliées ; jamais je n’ai ressenti autant de vibrations dans mes entrailles. Jamais je n’ai autant ri. Jamais je n’ai autant pleuré. Jamais je ne me suis sentie aussi vivante. Alors pourquoi tout arrêter ? Parce qu’il serait bien vu que je « me case »? Ahahahaha … ah pardon, t’étais sérieux !? Désolée, je passe mon tour.

Quel sera mon avenir ? Je n’en ai aucun idée alors j’ai décidé de l’imaginer … 

LETTRE OUVERTE

 MOI MÊME

DANS 10 ANS ...

Novembre 2027 - Ici ou ailleurs …

Chère toi,
Chère moi,

23h31 : il y a encore 2 minutes je me disais que ça serait sûrement simple d’imaginer ma vie dans 10 ans .. Ben oui ! Toi et moi, on partage tout depuis toujours : je connais nos goûts, nos passions, nos envies .. Alors imaginer où tout ça t’a amenée et quelle carrière tu mènes en 2027 doit être un exercice facile, presque amusant … Mais en réalité je me fous de savoir si tu es devenue cascadeur, caissière ou astronaute. Au fond, je ne me pose qu’une seule et unique question : Margaux, es-tu heureuse ?

Tu le sais, je n’ai jamais vraiment su et aimé me projeter dans le futur. C’était peut être une erreur et aujourd’hui tu m’en veux sans doute de ne pas avoir eu la force de prévoir ton avenir. Pardon.  Mais comment prévoir l’imprévisible ? Naïvement j’ai pensé que tu serais assez forte pour affronter le quotidien ; assez débrouillarde pour jongler avec les opportunités qui se présenteraient. Alors je n’ai rien prévu pour toi. Rien d’autre que des rêves. Des rêves d’aventure et d’exploration. Des rêves de rencontres et d’éclats de rire.

Tu te souviens ? La vie que j’avais choisi de mener il y a une dizaine d’années me remplissait de bonheur. Je découvrais des endroits fabuleux, des lieux cachés dans lesquels je prenais plaisir à m’aventurer. Je rencontrais des personnes généreuses, bienveillantes et fabuleusement belles. Ensemble, on a découvert que ce monde est rempli de beauté et d’âmes merveilleuses ; j’espère que personne ne t’a convaincue du contraire.

D’ailleurs, je me demande si tu as continué l’aventure que j’avais entamée en 2014 ?

Celle qui a permis à la petite fille qui “ne ferait rien de sa vie” de parcourir le Globe d’un océan à l’autre… de travailler aux antipodes… de se mesurer à elle-même en rencontrant les autres. Cette aventure qui a permis cette même petite fille de devenir capable. Capable d’assumer et de prendre des décisions un peu plus importantes que de savoir quelle marque de yaourt est la moins calorique.

Souviens-toi ! Toutes les deux on a craché nos poumons sur les sentiers escarpés de la Nouvelle Zélande, on a couru sans but sur les plages noires de Muriwai et tremblé sous la neige et la glace des hivers canadiens. On n’a acheté notre première voiture… et elle avait plus de 245 000 kilomètres au compteur. C’était l’aventure. Ensemble on a parcouru les canyons millénaires du Colorado et croisé la route de grizzlis, de lynx, d’ours noir et d’élans sauvages. On a même eu le bonheur d’admirer les majestueuses baleines nager dans les eaux profondes du Saint-Laurent. Ensemble on s'est retrouvées dans des situations improbables et on a toujours trouvé le positif dans chaque situations.
On a fait plein d’aller et autant de retours de France …

Tu le sais, ça n’a pas toujours été facile. Il a fallu s’adapter aux situations, aux gens mais qu’importaient la nuit, la fatigue, la peur et l’inconnu … ensemble on s’est fait confiance et on a osé. Souviens-toi comme cette aventure a révélé la plus belle version de nous.  

Je me demande si tu regardes encore l’horizon avec la curiosité de savoir ce qui se cache derrière. J'aimerais savoir combien de tampons et visas sont regroupés dans ton passeport. Combien de pays as tu visité ? Combien de lieux t'ont boulversée ? Peut être es tu tombée amoureuse d'un endroit et tu as décidé de t'y arrêter, plus longtemps. Tu as alors mis cette aventure entre parenthèse un temps ou peut être y as tu mis un point final, qui sait ? Dans ce cas, j'aimerais savoir ce que tu fais, ce qui occupe tes journées et tes pensées.

 

Qu'importe où tu te trouves sur cette planète en 2027, j’aimerais juste te savoir heureuse. J’aimerais te savoir apaisée ; à l’abri du chaos. Vivante comme je le suis aujourd’hui ! J’espère tellement que ta vie est remplie de joie ..
Dans un monde idéal, tu as croisé la route de cette personne incroyable qui fait briller tes yeux, qui te rend radieuse et te comble de bonheur. Avec elle, vous passez des soirées entières à observer les étoiles… vous avez des projets, vous vivez des aventures et partez, comme nous le faisions aujourd’hui, sur un coup de tête, explorer ce qui vous entoure.
A l’autre bout du monde … ou juste là, à côté. Peut-être même que vous suivez des cours de cuisine, de peinture ou de sociologie ensemble, peut importe puisque vous aimez la compagnie de l’autre, vous prenez le temps de vous connaitre, de vous regarder, de vous aimer. Profondément et sincèrement.
Je ne t’imagine pas mariée ou avec une ribambelle d’enfants… Non pas que tu serais une mauvaise épouse ou une mauvaise mère, mais j’aimerais que tu aies pris tes décisions par passion … pas par dépit, ou parce que « tout le monde le fait » ou parceque c'est ce qu'on attend de toi.

J’imagine que tu aimes toujours relever des défis et que toutes les expériences que tu auras vécues t’auront aidée à grandir ; à devenir une personne meilleure.
J’espère que ton carnet d'adresses s'est rempli au cours de ces années et  que tu comptes des amis à travers le monde. J'imagine que tu as été mille fois chamboulée par ses voyageurs du bout du monde, ses hôtes généreux et ses inconnus de la Route. Ceux qui osent et qui font. Ceux qui s'aventurent sans retenue et grâce a qui tu trouves ton courage aujourd'hui.

J’espère que tu as toujours un faible pour les Makrouds et le thé à la menthe (d’ailleurs es-tu peut être assise sur un des tapis orientaux que tes grands-parents ont ramené de contrées lointaines ? Qui sait ?) et que tu t’émerveilles toujours de toutes ces petites choses qui t’entourent et que tu as longtemps ignorées ... Pourtant rien n'est plus beau qu'un ciel embrasé.

J'espère que tu as trouvé ton chemin et qu'il n'est pas trop escarpé. Souviens toi quand tu partais avec ton grand frère et que votre seule obsession était de prendre la route, plein ouest et de suivre les rayons du soleil jusqu'à ce qu'ils finissent en feu dans l'infini océan. Souviens toi de la liberté qu'on s'est offerte. Souviens toi comme c'était simple et comme c'était bon !


J’aimerais déjà avoir les réponses à toutes les questions que je me pose … juste pour t’aider à savoir où, où et comment tracer ta route. Juste pour te faciliter la suite des évènements… juste parce que toutes les deux on a vécu des choses fortes et qu’on sait que c’est parfois douloureux de vivre intensément. D’autant plus quand c’est en dehors des sentiers battus … Mais toutes les deux on sait aussi que toutes ces émotions valent la peine d’être vécues. Elles nous rendent fortes. Alors j’espère que tu n’as pas peur. Que tu continues de vivre avec passion et fougue.
Gave-toi de soleil ; garde l’âme généreuse que je te connais. Je sais que tu es capable de choisir la bonne direction donc, peu importe le résultat, ce qui compte vraiment se trouve dans les leçons que tu apprendras encore de tes échecs… comme tu le fais depuis toujours … Fais-toi confiance. Toi seule sais.
Chère toi, chère moi, le futur est juste là. Il arrivera si vite… Alors oui, très égoïstement j’espère que tu es heureuse et que tu vis la vie que tu as choisie. J'espère que tu prends encore le temps de rêver et d'oser. Moi, je serai là alors n’abandonne pas. N'abandonne jamais.

Qui aurait pensé qu'une refonte de CV m’amènerait à penser aussi loin? Pas moi, clairement .. en attendant, voilà 4 semaines que j’ai intégré le quotidien de Shirley et Danny. Je suis accueillie dans leur foyer comme si j’y vivais depuis toujours. Ma chambre est prête … je n’ai plus qu’à installer mes affaires sur les étagères, histoire de rendre le lieu encore plus familier qu’il ne l’est déjà.
Perchée à 1700m d’altitude, le temps est sec et j’ai du mal à imaginer que l’hiver arrive. Et pourtant, tout le monde parle de la saison rude et de l’épais manteau neigeux … Moi, je n’attends que ça. Le désert recouvert de neige et de glace… T’imagines? Moi pas du tout.
Mais avant, on profite de ce que ce pays a à offrir. Dès que l’agenda le permet, on prend le large. En solo ; en duo ; en trio. On sort de notre comté partons à la découverte de nouveaux canyons, à l’assaut de nouvelles routes, vers de nouveaux horizons… Après les virées en pick-up à la recherche du cerf parfait et maintenant que la chasse est terminée et on se concentre sur de nouveaux projets. Et ce n’est pas ce qu’il manque ! Je participe à la construction de murets en pierres et j’ai appris à faire du mortier ; j’enchaine avec la préparation de confitures maison, et bientôt nous entamons la construction d’un abri de jardin avant de retourner à la cuisine où, avec Shirley, je confectionne des mets de toutes sortes … La polyvalence est de mise et c’est génial. J’ai repris un quotidien intégralement en anglais ; c’est du 24/7, ce n’était pas arrivé depuis la Nouvelle Zélande et c’est plutôt fluide. C’est agréable de comprendre et se faire comprendre sans trop de difficulté.

Je ne regrette pas d’être revenue. La lumière est toujours aussi belle ici et cet endroit a su trouver une place toute particulière dans mon coeur. Chaque instant contient sa dose de merveilles et il ne tient qu’à nous de le rendre unique. Tu sais comme un rien m’émerveille…  Ici je suis comblée !

Des instants uniques en leur genre, j’en expérimente tous les jours , mais récemment il s’en est passé un qui m’a touchée un peu plus du coup alors je le partage avec toi.Tout a été organisé dans l’église de la petite ville de Naturita à un peu moins de 5 miles de Nucla.  Le mot d’ordre était clair : Chacun était invité à faire quelque chose à vendre aux enchères, pour un dénommé Gaylord. Je n’en savais pas plus. Shirley et moi nous sommes prêtées au jeu. Evidemment.19 heures pétantes, on débarque à l’église avec une belle tarte au citron dans les mains. Je ne m’attendais à rien de spécial. En arrivant, j’ai immédiatement compris …  Gaylord a une maladie. Une maladie qui le tue a petit feu. Il est condamné. Le traitement existe, mais il n’a pas l’argent pour le suivre. Du coup, la communauté de Naturita et des environs s’est réunie et a organisé une vente aux enchères pour offrir les fonds au membre de sa communauté dans le besoin.Dans l’église, les bancs avaient été poussés et à la place on y a installé des tables et des chaises. La nef était pleine à craquer et chacun s’est fait un devoir d’acheter les tartes à 90$ ou des assiettes de cookies à 120$ afin d’assurer plusieurs mois de traitement à leur ami. Lui offrir quelques bouffées d’air en plus dans notre monde.J’ai été émue. Touchée en plein coeur par tant de bienveillance. 20h30 tout était vendu. et des centaines de dollars ont été récoltés. Jamais les mots fraternité, communauté et générosité n’avait fait autant de sens.

La vie continue à Nucla. Une semaine sur deux, Danny consacre 12 heures de sa nuit à assurer la maintenance de l’usine de dessalement des eaux à quelques minutes de la maison. Un travail qui “n’est ni bien, ni mal” comme il dit mais “c’est un travail !”. Il quitte la maison à 18h et ne rentre qu’aux petites heures du matin. Quand nous commençons notre journée, lui termine la sienne … ce qui requiert toute une organisation… dont Shirley a le secret ! Tu devrais nous voir chuchoter pour se demander le sel ou marcher sur la pointe des pieds pour ne pas faire grincer le plancher .. C’est un sketch! Sinon, Thanksgiving est dans quelques semaines et je suis déjà prête pour re-découvrir l’esprit pionnier de cet fête si importante ici.

De mon côté, entre les constructions de murets ou en attendant que les casseroles chauffent en cuisine, j’ai réussi à trouver le temps nécessaire pour finaliser et mettre un point final au Projet52-2016-2017. J’ai des papillons dans le ventre et je te laisse imaginer mon émotion car aujourd’hui je te présente Aotearoa mon deuxième livre photo auto-édité dans lequel je t’invite à découvrir, en 24 heures, ma dernière année sur l’archipel néo-zélandais. J’ai traversé le pays du Nord au Sud et d’Est en Ouest pour te ramener 52 clichés, 26 en couleurs, 26 en noir et blanc. Tu sais comme mon année en Nouvelle Zélande a été un challenge au quotidien. J’ai été émerveillée par la beauté de ce pays, la gentillesse de ses habitants et les milles merveilles rencontrées sur la Route .. Alors j’espère que ce livre te touchera comme je l’ai été.

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