GOINGWEST
Le Webzine du Projet52
C’est un fait, les Néo-Zélandais sont chauvins. Ce sont les Ariégeois de l’Hémisphère Sud. Beaucoup me confient n’avoir jamais quitté leur pays, n’être même jamais allés au-delà de l’île, ou … pour les plus téméraires, avoir passé 3 semaines en Australie. En même temps, entre océans et montagnes, rivières et forêts, vallons dorés et plateaux verdoyants, où veux-tu aller? Ce pays, leur pays a quand même de la gueule … ‘faut être honnête. Et le Wairarapa que je viens de quitter, la région des eaux brillantes, m’a beaucoup marquée.
J’y ai tout aimé. La mentalité des gens de la campagne. Des personnalités qui me rappellent celles des Pyrénéens, tu sais : des gens abruptes au coeur gros. Les paysages incroyables qui ne ressemblent à rien de ce que j’ai vu avant : des étendues tout en rondeurs, des champs toujours plus verts qui plongent littéralement dans l’océan … et le vent, toujours ce vent frais qui fait frétiller les herbes sèches dans une lumière orangée et magnifique et d’où le Pacifique n’est plus qu’une ligne d’horizon … d’un bleu impassible visible depuis les hauteurs … Et le ciel, je t’en ai parlé du ciel ? Parce que c’est un vrai spectacle d’observer les astres chaque soir. Une lune tellement immense qu’on pourrait presque toucher, des étoiles qui brillent comme des guirlandes qu’on aurait harmonieusement disposées dans le ciel … Partout où l’on pose les yeux, c’est un décor de carte postale … Alors c’est vrai, pourquoi aller voir ailleurs quand on vit dans une affiche géante en 4 par 3 !?
Souviens-toi : il y a environ 5 semaines, je quittais Auckland et posais mes valises à Aotea, la ferme de Karen et Clayton, près de Martinbororough, au Sud de l’île Nord. Wellington est à 1h30 au Sud et l’unique route qui passe devant l’immense propriété se termine brutalement à 15 kilomètres. Après ? L’océan. A perte de vue. Mes hôtes préparent le mariage de leur fils alors tous nous travaillons dur pour rendre les extérieures impeccables ; au programme peinture, jardinage, aménagements divers et surtout embellissement de la propriété … Pour autant, chaque jour réserve son lot de surprises : tenir quatre Reines dans mes mains avant que Clayton ne leur attribue une ruche ; observer, allongée dans l’herbe, un insolite rodéo dans les pâtures ; faire une heure de route pour passer tout juste une heure à la plus grande foire aux objets du coin ; partager mes soirées … télé dans le salon ou sur écran géant, à observer la Croix du Sud droit dans les yeux … D’aventure en découverte, le jour J, tout est fin prêt pour accueillir les 130 invités de la famille. Les deux garçons allemands aussi en Wwoofing et moi nous avons le meilleur de nous-même et je pense que nos hôtes ont sincèrement apprécié les efforts de chacun.
Il est bientôt temps de dire au revoir ; de reprendre la route, encore et toujours. Je pars le coeur un peu lourd, cette rencontre était belle et chaleureuse. Mais c’est la vie que j’ai choisie … arriver suppose partir. Découvrir encore. Découvrir toujours. D’autres horizons … d’autres visages, d’autres réalités, d’autres familles … Tôt ce matin, je serre Karen et Clayton dans mes bras pour la dernière fois. On a beau l’espérer, se le dire, en vrai … je ne sais pas encore si je les reverrai un jour, c’est frustrant … Je leur remets un petit mot … pour plus tard. Clayton m’offre 2 pots de son délicieux miel de Manuka. Karen me tend une enveloppe et un collier en jade, cette pierre verte, magnifique, qui selon la légende Maorie, est porteuse de bonne chance. Elle ne me quittera plus. Je me mets au volant, le coeur lourd. Démarre la toyota … ensemble, on quitte Aotea.
La route jusqu’à Wellington est sinueuse, le temps est radieux, mon petit coeur est lourd. Je ne prends pas vraiment conscience que ce voyage est le dernier. Le dernier de ce genre. Je profite … je mémorise. 16h45 sonne en plein centre de Wellington ; il est ponctuel au rendez-vous … Voilà ! Je lui remets les clés de mon van. Antoine est le nouveau propriétaire de la belle Duka. Je récupère mon sac à dos, prends le chemin de l’auberge de jeunesse au coin de la rue et ressens déjà de la nostalgie. Un petit pincement au coeur. C’est qu’en 133 jours on en a vécu des choses ensemble … J’ai toujours su que ce moment arriverait tôt ou tard mais, 12 000 kilomètres plus loin, je me souviens de tout ce qu’on a partagé ensemble … il est temps de tourner la page. Bonne route ma belle.
Je passe quelque jours dans la capitale, Wellington. J’y retrouve Al et Linda. Un couple que j’avais rencontré au gîte de Karen et Clayton quelques semaines auparavant. Lui est photographe ; elle une baroudeuse. On avait passé des heures à parler photo et aventures autour d’un verre de blanc au soleil couchant dans le Wairarapa. C’était très chouette. Nous avions échangé nos coordonnées et j’avais promis de faire signe si je passais à Welli. Spontanément ils m’invitent à diner chez eux et à observer le feux d’artifices en célébration du Nouvel an chinois. Le temps passe vite, trop vite. Toujours. Demain une longue journée m’attend … Demain je recule pour mieux sauter.
Je regarde les différentes possibilités pour rallier l’île Sud où, à 1 200 kilomètres de là, m’attend une nouvelle famille : Stéphanie, Bayden et leur deux enfants. Pour faire simple : de Wellington, au Sud de l’île Nord je mets le cap sur Invercargill au Sud de l’île Sud. Et bien crois le ou non, ça me coute moins cher de remonter jusqu’à Auckland, au Nord de l’île Nord, pour attraper un avion direction Queenstown où je rejoins Stephanie … Concrètement, un détour de 1800 kilomètres, pas franchement « eco-friendly », mais incontestablement budget-friendly … pourquoi faire simple quand …
Je quitte Wellington à 19h lundi soir à bord d’un bus qui nous déposera, dix heures plus tard, à l’aéroport d’Auckland ; là, à bord un Airbus (toulousain 🙂 !!!) de la compagnie Air New Zealand il faudra moins de deux heures de vol pour rallier le Sud. Après 5 mois dans mon van à sillonner autoroutes et routes de terre battue, je retrouve les transports en commun, les interminables heures en bus … de jour, de nuit ! Les avions aux sièges pour sardines humaines et les heures d’attentes entre les différentes correspondances, quand il ne s’agit pas d’heures de retard … L’aventure reprend ! J’adore. C’est vraiment stimulant. Si j’ai abandonné mon fidèle compagnon Duka j’en retrouve 2 autres, non moins fidèles : la pluie et le vent. D’ailleurs, ils s’invitent au voyage pour les prochaines heures. Décollage d’Auckland sous une pluie diluvienne ; le vent … enfin, plus exactement LE VENT ne nous quittera plus jusqu’à l’atterrissage. Le vol est comment dire ? agité .. Qu’est ce que ça bouge là dedans! Je ne suis pas très rassurée mais apparement je suis la seule, tous les autres passagers ont le sourire. Ça me rassure encore moins ! On traverse une épaisse couche de nuages et, sans surprise mais toujours avec bonheur, on retrouve le ciel bleu. Au-dessous le chaos ; au-dessus la lumière. Dieu que c’est beau !
Après une petite heure de vol les nuages se dissipent et on revoit la Terre. Le Sud. Enfin ! On m’avait prévenue : « tu verras, le Sud c’est un autre monde » et, à plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol je vois déjà la différence. Je me concentre sur le paysage pour oublier les turbulences du vol. J’en prends plein les yeux. Les Alpes Néo-Zélandaises qui s’étendent du Nord au Sud apparaissent élégants, élancés vers le ciel avec leurs sommets enneigés. Nous survolons des lacs d’un bleu turquoise profond. C’est juste magique.
Le temps passe relativement vite et, entre 2 montagnes, dans une vallée (qui, à mon sens, est bien trop exiguë) nous entamons la descente vers Queenstown. Le sol, … enfin !
Je retrouve Stephanie à l’aéroport, nous prenons la route vers leur ferme Kauana dans le Southland et faisons connaissance en continuant la conversation commencée par mail. La route dure … après une trentaine d’heures de voyage cumulées je te confirme que j’ai hâte de me poser à nouveau. Stéphanie travaille sur la ferme et, quelques jours par semaine elle est infirmière à l’hôpital de la ville. Un agenda bien rempli. En arrivant à la maison elle me présente, la petite Zia 6 ans, son frère George 4 ans et leur père Bayden qui gère une ferme de 320 vaches et 2000 moutons. Les journées, tu t’en doutes, sont longues et chargées pour les parents qui, en plus du reste, traient les vaches laitières 2 fois par jour entre 5h et 15h. Mon rôle dans cette famille est relativement clair, je m’occupe des enfants quand les parents sont occupés à la ferme et je prends en charge quelques tâches ménagères dans la journée pour décharger les adultes.
Ici on est au milieu des fermes et des champs. Les voisins sont tous des agriculteurs … Tout le monde connait tout le monde : c’est, à ta guise, un petit monde ou une grande famille - Pour la petite info, il y a plus d’habitants à Auckland que dans tout le territoire du Sud -.
Gérer une ferme c’est du 24/7 et les jours off sont rares. La météo annonce 3 jours d’un temps exceptionnellement chaud et magnifique (quand je dis exceptionnellement chaud, je parle de 27°C, mais ici, en plein été on dépasse rarement les 20°C) alors, la famille prépare quelque vêtements, de la crème solaire, on attelle le bateau au 4x4 ! Et c’est reparti pour l’aventure. Etape 1, Te Anau. C’est, dans le parc national du Fjordland, un lieu mythique. On fait tomber la chemise, on met le bateau à l’eau et tous les cinq, on passe une journée entre le sable brulant de Broad bay et l’eau turquoise du lac de Te Anau. Effectivement il a fait vraiment chaud, nous rentrons tard le soir-même, le visage rougi par le soleil qui ici, aux antipodes, n’est pratiquement pas filtré par la couche d’ozone quasi inexistante. Les yeux pleins d’étoiles. Ceux de ma famille d’accueil, de partager la beauté de son pays ; ceux des enfants après une journée de ski nautique et de rigolade ; ceux d’une jeune Occitane qui, si loin d’Ovalie et montagnes, se sent tellement privilégiée de voir un peu de notre si merveilleuse planète.
Etape 2, le lendemain : Riverton. Nous allons chez les parents de Stephanie qui ont une maison de vacances à 100m de la plage. Je suis invitée à passer le week-end sur ce petit bout de paradis
Nous sommes arrivés tard hier soir à Riverton et ce nouveau matin est simplement magique :
depuis le balcon, une tasse de thé à la main j’observe l’horizon, je découvre toutes les maisons voisines qui font face à l’océan. Le matin se lève doucement, la marée descend pour laisser apparaitre une plage de sable fin. Les pécheurs sont déjà à l’affut, les surfeurs du coin se préparent pour aller taquiner la vague pendant que les autres profitent d’une balade au bord de l’eau. Tout ça a des airs de vacances avec en bonus une petite brise fraîche. Le ciel est vierge de tout nuage et le soleil brûle déjà la peau ; le temps est sec, le temps est chaud … c’est l’été en plein février. Quand je pense que de l’autre côté de l’océan, c’est l’Antarctique. L’Antarctique ! … Quand je te dis que je vis dans une carte postale.
Le temps de m’acclimater au temps, celui de me faire au Sud et à cette nouvelle famille, je te donne rendez-vous le mois prochain pour de nouvelles aventures sur Aoteroa