GOINGWEST
Le Webzine du Projet52
retour au Cap Bon Désirs avec mon acolyte, Juliette. Majestueux, le Saint Laurent embrumé nous sépare des frontières de la Gaspésie, en face. La saison estivale a bel et bien débuté. Il y a foule sur les rochers. Nous, on s’installe à quelques pas du monde sur « un spot avec une vue imprenable ». Sur quoi ? On ne le sait pas encore C’est la règle du jeu. En attendant, le soleil tape mais le vent est frais.
Il faut croire que nous dégageons de bonnes ondes : quelques dizaines de minutes après notre arrivée, le souffle d’un magnifique rorqual nous surprend ; nous sommes captivées. L’animal est juste là, à quelques mètres de nos yeux ébahis. Impossible de dire si nous venons de voir une baleine à bosse, un petit rorqual ou une baleine bleue … déjà, le cétacé replonge dans les profondeurs froides (6°C) du Saint Laurent. C’est un spectacle fascinant.
Jeudi, 18h15, nous prenons la route vers le refuge du Domaine de nos Ancêtres où nous (Melle, Evelyne, Juliette et moi, la Team Canopée Lit) avons réservé une activité fondamentalement touristique : l’observation des ours noirs. Avantage non négligeable, elle se déroule toujours deux heures avant le coucher du soleil : compatible donc avec nos plannings.
Lorsque nous arrivons sur place, il y a déjà foule : 80 personnes sont présentes !! Avant de partir le groupe est séparé en deux. Le premier groupe, dans lequel nous nous trouvons, prend place dans une salle décorée de bois, d’un vieux poêle à bois et de peaux de bêtes sur les murs. A peine installés, la réceptionniste met en route une vidéo de présentation sur un téléviseur … cathodique. On est pas vraiment bien installés, L’image est délavée, la cassette doit dater d’une bonne dizaine d’années … Pour le coup c’est rustique ! Bref, une voix présente les principaux ours que nous sommes susceptibles d’observer : ursus americanus, l’ours noir au museau brun. Le messe est dite en une quinzaine de minutes et nous sommes invités à sortir pour que le second groupe puisse entrer à son tour.
La guide nous accueille à l’extérieur et nous donne quelques conseils et consignes de sécurité : en number one, le silence sera total. « Les ours que nous approcherons sont des animaux sauvages qui vivent en liberté. Ils sont craintifs » et puis, l’organisateur annonce 90 % de réussite ; donc, CHUT. Ah ! Pas de nourriture non plus. Et des habits chauds de préférence. Et, bien sûr, du produit anti-moustique ! Nous, en autochtones avertis, nous avions pris nos précautions. Les ours, dont l’odorat est très fin, ne s’y sont d’ailleurs pas trompé. Public du jour : 76 touristes et 4 bâtons de citronnelle.
Quinze minutes plus tard, tous les 80 nous sommes rassemblés dans 2 bus d’écoliers jaune canari. A l’intérieur mille et un messages sont taggés sur les parois et les banquettes ! C’est impressionnant. On hésite un peu, mais réflexion faite, nous aussi nous allons laisser une empreinte de notre passage.
Le bus démarre : environ 5 minutes plus tard nous nous insinuons dans la forêt. Le chauffeur manoeuvre ; le bus s’arrête. A priori on est arrivés. Nous descendons. Dans un silence religieux, nous avançons sur le sentier qui nous mène vers un observatoire en bois. C’est pesant. Presque inquiétant. Chacun prend place sur de longs bancs ; nous pouvons enfin observer … la forêt.
En face, la vue donne sur une petite vallée boisée entourée « de petites montagnes » (à peine des collines en vrai). Le soleil se couche dans notre dos et donne une magnifique couleur orangée aux arbres. C’est superbe !
Appareil au poing, chacun a les yeux rivés sur le point d’observation. On est prêts à déclencher. Cinq minutes passent. Dix minutes. Rien. Quinze minutes … on s’impatiente. Ah !… vingt minutes … mais toujours rien. La guide prend alors la parole et là … une petite tête toute noire sort de la forêt. À une quarantaine de mètres, c’est un beau mâle d’environ 2 ans que nous observons. Appâtés par de la nourriture préalablement disposée par les guides, c’est un va-et-vient de 3 ours gloutons que nous observons pendant 1h30.
Le gros point positif est que c’est vraiment génial de pouvoir voir de si belles bêtes assez proche et dans une nature intacte. Le coté négatif est que l’activité est quand même très « orientée » … car enfin, quatre-vingts touristes qui observent des ours en train de manger pendant 90 minutes alors qu’eux mêmes se font dévorer par des milliers de moustiques ! C’est un comble, non !?
Après m’être acquittée des 8,50$ de taxe d’entrée sur ce parc naturel du Saguenay, j’arrive sur le site de la magnifique baie Sainte-Marguerite sur la rivière Saguenay, qui est un célèbre point d’observation des bélugas.
Après une petite marche d’environ 3 kilomètres, j’arrive sur le ponton en bois de la « halte du bélugas » où je m’installe au bord de l’eau, assise sur de magnifiques rochers pour observer le fjord majestueux. Si les bélugas sont présents dans l’estuaire du Saint Laurent, il semblerait que ce site soit un lieu de prédilection pour s’alimenter, socialiser et élever leurs petits qui s’y retrouvent en nombre.
Une quarantaine de minutes après mon arrivée, un petit troupeau de bélugas s’engage dans le fjord. Une fois encore, j’ai la chance de voir ces jolies baleines blanches, à quelques mètres. La population recensée est d’environ 1000 individus. Malheureusement, elle ne semble pas augmenter malgré l’interdiction de pêche en 1979.
Ils sont tellement proches que je peux les entendre respirer dès qu’ils remontent en surface ! Ils offrent un magnifique ballet à la gang de touristes que j’entends mitrailler à quelques mètres au-dessus de moi.
Une mi-saison sur les chapeaux de roues … Un parc de bulles à Canopée Lit
Jérémie et Claire ont acheté de nouvelles bulles. Elles sont arrivées le 18 et les premières réservations sont pour le 21, autant vous dire qu’on ne chôme pas icitte : construction de nouvelles plateformes, mise en place de panneaux, recherche de noms, achat de draps et de déco et tout ça avec des équipes qui changent d’une semaine à l’autre.
On s’adapte et on avance car avec 3 Nouvelles bulles, spacieuses et très différentes des deux premières acquises il y a déjà quelques année, l’agenda affiche complet jusqu’à fin aout ! Oui, oui. Complet !
Ceux qui me connaissent savent à quel point je chéris le chiffre 7. Sans trop de raison ce chiffre me suit et me porte bonheur, et, … le 7/07, alors que je pliais tranquillement les serviettes dans la buanderie avant ma journée de travail, je reçois un appel de Jérémie : « Margaux, la voiturette de golf est en panne, tu vas devoir faire sans pour les ménages. Prépare-toi, tu vas devoir prendre le quad ! ».
(Oh non !!! La galère … J’inspire ; j’expire, c’est une nouvelle expérience … et finalement un mal pour un bien. Ma belge préférée, Evelyne et moi nous installons sur le quad pour un cours de conduite improvisé à tout juste 10 minute de notre départ en forêt. On nous installe une remorque et, bien que les débuts soient hésitants, voire un peu brusques, il ne nous faut que quelques minutes pour apprécier les joies du quad. Vitesse, agilité et liberté … Plus bruyants les ménages ?! Ah bon ? quand on conduit, on entend pas … mais alors, pas du tout ! En revanche, « c’est ben plus fun. »
Les petites bêtes, ce n’est pas ce qui manque ici. Perdrix, cailles, lapins, écureuils sont en nombre dans la forêt et il ne se passe pas un jour sans que l’on croise au moins une d’entre elles. Mais aujourd’hui, en rentrant des ménages avec Gabirelle, ma copine toulousaine, c’est un magnifique chevreuil adulte que nous avons eu la chance d’observer. Sa couleur caramel et ses magnifiques bois marrons contrastaient avec les feuillages verts alentours. Avec la voiturette de golf (électrique et donc silencieuse), nous nous sommes approchées le plus possible.Puis il a tiré sa révérence. C’était magnifique.
Le 24 juin dernier c’était la fête du Québec ! L’auberge de jeunesse de Tadoussac organisait une soirée pour l’occasion. Melle, Juliette et moi avons trinqué (plus que ce qu’il ne faut, il faut le dire) au Québec et à ce pays magnifique, chaleureux et accueillant dans lequel nous avons la chance de vivre plusieurs mois ! Musique, rires et une ambiance formidable ont marqué cette chouette soirée.
Un petit point sur le métier de photographe.
Comme en France, il est très difficile au Quebec de percer dans le domaine de la photographie. Le secteur est « bouché » et, selon les échos que j’ai eu ces derniers mois, le marché actuel est beaucoup basé sur la photographie commerciale. Pas évident de rester créatif et original quand tes journées sont composées de « photographies paresseuses » où le passable l’emporte sur le « wow » !
Depuis que j’ai quitté la France, il y a neuf mois, je continue de parfaire ma pratique de ce métier exigeant. J’en saisis de nouvelles subtilités. Je progresse je crois. En tout cas, je pense que le métier de photographe exige que l’on sache ne pas se satisfaire de la routine, ni d’avoir peur du changement … histoire de rebondir et d’avancer avec son temps !
Chateau Frontenac
Et voilà que j’entame mon neuvième mois de voyage ! Je n’arrive pas à croire à quel point ça passe vite. Les semaines défilent à une vitesse intense et le phénomène s’est amplifié depuis que j’ai commencé mon travail au Québec.
Je pense souvent à quoi ressemblerait ma vie maintenant si j’étais restée en France. J’aurais très probablement continué une licence qui ne me correspondait pas. J’aurais été obligée de cumuler heures de cours à la Fac, travail personnel et un voire deux jobs, comme avant de partir, pour payer l’appartement, le quotidien … Et tout ça pour quoi au final ? Quand j’y pense … toutes ces magnifiques personnes que je n’aurais jamais rencontrées, toutes ces leçons que je n’aurais pas apprises et tous ces paysages que je n’aurais jamais vus … juste pour une ligne en plus sur mon CV !
Ici, mon anglais s’est amélioré. Alors, il ’est vrai que l’Amérique du Nord n’a rien fait pour affûter l’accent British que la Fac voulait absolument que nous ayons tous. Mais, croyez le ou non, aujourd’hui c’est vers moi qu’on se tourne pour parler Anglais. On me demande des conseils pour accueillir les clients anglophones et même de gérer, avec un interlocuteur étranger, une commande retardée et tout ça au téléphone … Qui l’aurait cru ? Toutes ces petites victoires quotidiennes me prouvent que j’arrive à avancer. Même seule. Je pensais me connaitre et savoir déterminer mes limites, mes peurs, mes envies mais finalement j’apprends une multitude de choses sur moi que j’ignorais.
Je découvre aussi que sur la route et loin de la maison, les émotions sont décuplées. Je ressens le besoin irrépressible de tisser des liens avec des gens qui partagent, un temps, mon périple autour du monde. Juliette a été une magnifique rencontre ici à Canopée Lit. Je vous parle tout le temps de Juliette, mais on a tissé des liens très forts. Bien plus qu’une copine de route, elle est une confidente et une vraie amie avec laquelle je ressens le besoin de partager et parler plus sérieusement et plus personnellement car je sais qu’elle saura m’écouter et réciproquement, ça fait un bien fou au coeur. Surtout lorsque la capricieuse connexion Internet empêche de communiquer avec la famille proche.
Vivre loin c’est aussi apprendre à vivre avec le manque des gens qu’on aime.
Oui, mes parents, mon frère et ma famille proche me manquent. Il n’y a pas une journée qui passe sans qu’un paysage me fasse penser à mon petit père, qu’une lumière me renvoie les beaux yeux de ma petite maman ou qu’une expression me fasse penser à mon grand frère. Et, bien que je sois très proche de ma famille, ça fait du bien de s’en rendre compte. Il est important d’avoir une idée d’où on vient pour savoir où on veut aller. Si, lorsque j’étais à Toulouse, je n’avais qu’à conduire une petite heure pour tomber dans les bras de mes parents, ici, je dois bien gérer mes émotions comme je peux, et ça n’est pas aussi facile. Trouver une oreille bienveillante ou une épaule sur laquelle on peut compter parmi des personnes qui étaient, il y a encore quelques semaines, de parfaits inconnus fait du bien et réconforte. Apprendre à vivre et continuer à avancer avec le manque est encore nouveau pour la voyageuse amatrice que je suis. Alors, lorsque je reçois un petit message ou, encore mieux, lorsque je passe un appel vidéo et que j’ai la chance de voir ma petite famille, c’est un réel baume au coeur qui me donne des ailes et permet d’avancer toujours plus loin.