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GOINGWEST

Le Webzine du Projet52

Ce matin c’est une vague d’émotion qui me transporte de la Provence à la Savoie. De la joie à la tristesse, je passe des rires aux larmes sur les 400 kilomètres qui me séparent de mon point de chute. Il parait qu’on parle d’ascenseur émotionnel. Le terme est plutôt juste puisque moins d’un mois après avoir envoyé ma candidature, passé un entretien et reçu un mail de confirmation d’embauche, j’embarquais pour une semaine de vacances au Maroc, une semaine d’aventure en Islande avant de renter en Provence dans le chaos le plus total pour les obsèques de mon grand père.

Tu comprends que les sentiments se bousculent et qu’après la peine, la peur et l’appréhension c’est l’excitation de retrouver mes amis qui prend le dessus. Je quitte donc la belle Provence pour les terres abruptes de la Savoie dans un micmac d’émotions.

Au fil des kilomètres le paysage se transforme.

Je passe Valence, Grenoble puis m’engage sur la N90. Jusqu’au bout de la route ; jusqu’à Bourg Saint Maurice qui est enfin en vue. Je traverse la ville ; je tourne à droite. Je gare la voiture et c’est avec un sourire difficile à cacher que j’entre dans la réception pour tomber dans les bras de Laure que je n’ai pas vue depuis 5 mois. Laure, tu remets ? Septembre dernier, Quebec, Canopée Lit… Mais si, tu te souviens forcément : l’atmosphère du Saguenay… cet endroit fabuleux. Les nuits fraîches, étoilées ; les lumières de Tadoussac ; les mouches qui piquent ; la musique trop forte et la bière chaude. Je t’ai forcément parlé de la forêt boréale. Omniprésente, Envahissante. Je t’ai raconté le réconfort des soirées ensemble, les rires partagés, les regards échangés. Tu remets maintenant ? Si tu ne te rappelles pas de mes récits, moi, je me souviens encore du goût des larmes salées qui coulaient sur mon visage au moment où il a fallu se dire au revoir. Au moment où il a fallu mettre un point final tout en se promettant de se retrouver un jour.

Et bien c’est ici et maintenant qu’on se retrouve. Laure d’abord. Karen et Romain ensuite. Sandra pour finir. Tous, devant une fondue (qui remplace la poutine québécoise) on est là… à plus 5 000 kilomètres de notre point de rencontre initial. Improbable je te l’accorde. Mais on se l’était promis …

Tu t’en doutes, très vite on se raconte nos vies, nos retours, nos arrivées et nos départs… On retrouve la complicité laissée au Quebec. On se retrouve. En toute simplicité. On s’offre du temps et des souvenirs : 700m de descente en luge, les promenades des chiens, les commérages du coin, les repas au soleil, le façonnage, sur les hauteurs de la ville, d’un bonhomme de neige féminin et breton. La découverte des produits locaux, l’aventure en Suisse, les péripéties avec notre colocataire bulgare, les histoires, les films, la musique et les livres échangés. La pyrogravure, la mort absolue et brutale du blinder, la fondue qui prend pas, le brookie de la joie, le diplodocus de Légo, l’insatiable faim de Flip … j’en passe surement, j’en oublie forcément mais les souvenirs s’accumulent !

Je pose mes valises juste un mois ; j’apprends à découvrir une nouvelle région et une culture aussi atypique qu’intéressante. Car très vite tu apprends -sans cliché- qu’un Savoyard, il aime ses skis plus que la charcuterie, moins que sa belle-mère, mais pas autant que le fromage. Il vit dans un chalet à la montagne et sur sa voiture il affiche l’auto-collant « in tartiflette we trust ». Lui seul sait que le Gruyère a des trous plus petit que l’Emmental et que l’Abondance n’a rien de comparable au Beaufort. Il n’a pas besoin de frigo puisqu’il a de la neige. Il n’a pas besoin de chauffage puisqu’il a du génépi.

Un vrai Savoyard poivre son assiette avant de manger une raclette. Il boit de la bière de pain d’épices et de l’alcool de sapin, si possible fait maison, éventuellement à partir d’une recette familiale.

Il aime les pâtes roses… à la Myrtilles, beige… aux noix ou marrons... aux champignons quand il ne les mange pas carrées, au sarrasin -Crozets- et couvertes de Reblochon (et si tu as prononcé rOblochon, tu es invité à sortir de la pièce et à courir vite et loin !!).

Le Savoyard aime les noix… il aime retrouver son goût partout… dans les yaourts, les confitures et même dans les savons. En revanche il n’aime personne. En commençant par les Haut-Savoyards ! Mais, à bien y réfléchir, il aime encore moins ses voisins, ceux de la vallée d’en face (d’ailleurs, peu importe dans quelle vallée tu te trouves, les gens d’en face, tu les aimes pas. Par principe). C’est pas moi qui ai dit « mieux vaut avoir une taupe dans son jardin qu’un Mauriennais comme voisin » (Mauriennais, habitant de Maurienne, vallée voisine .. je te fais pas un dessin, tu as compris).

 

Un Savoyard a cette chance d’habiter à deux pas de l’Italie et de la Suisse, entre lacs et montagnes ; il est aussi rustre que touchant et il a réussi à conquérir le monde entier avec une idée de génie : fusionner des patates chaudes et du fromage coulant. C’est le Roi de l’affinage, le dieu de l’AOC, une sorte de génie des temps modernes. Et tout comme les mangeurs de Galettes (Bretagne), de Bouillabaisse (Provence), de Garbure (Occitanie) ou de Poutine (Québec), il plane au-dessus des terres de la Savoie, (mangeurs de Farcement), des rêves d’Indépendance et d’Autonomie.

La légende dirait même qu’il circule dans les villages encaissés, de faux permis Savoisiens -Ces gars sont prêts à tout- et ils seront (peut-être) un jour aussi libres que leur drapeau qui virevolte fièrement dans l’air pur et frais de leur belles montagnes. Alors, Savoie ou quoi ?

Bref, moi j’ai posé mes valises en Savoie pour un travail je te rappelle.

3 jours après mon arrivée dans la vallée de la Tarentaise on me remettait uniforme, badge et clés histoire d’être fin prête à accomplir ma tache quotidienne : nettoyer ! Et je ne te cache pas qu’il a fallu inspirer profondément au moment de mettre les gants, de remplir les sceaux de détergent pour astiquer (2 fois par jour) les 35 lavabos, 11 wc, 9 douches ainsi que les sols, parois, vitres et rigoles … aaaah les rigoles !!!

Mais l’expérience s’est avérée bénéfique et riche d’enseignements… sur l’humanité. Sur ces touristes qui ont des yeux qui ne voient pas et des oreilles qui n’entendent pas… ou plus. Pour toute cette tranche de la population, on dirait que payer une caution ou louer un emplacement donne des droits (inacceptables et injustifiés)

« Bien oui mais avec Germaine ça fait 35 ans qu’on vient ici… et c’était mieux avant ». Et donc M’sieur, tu me dis ça parce que ?… tu veux un pin’s ? Une médaille ? Non parce que, vraiment, il n’y a rien de glorieux à parcourir, chaque hiver de chaque année, des centaines de kilomètres pour se garer au même emplacement, du même camping, de la même ville… depuis 35 ans. Vraiment. La Gloire est ailleurs…

Mais pas de panique ! La fin des vacances approche ; on va déposer un petit mouchoir sur toutes ces déconvenues ; on va continuer à embaumer l'air d'un parfum de pin chimique histoire de taquiner les narines de nos chers clients (qui, entre nous, n’ont pas toujours raison).

Et malgré les horaires matinaux, les journées à nettoyer, les clients difficiles et les envies d’ailleurs, rien n’a été plus plaisant que de participer à cette aventure en ayant la satisfaction d’apporter "ma" pierre à l’édifice. Imagine… toutes ces histoires qui nous ont fait pleurer, hier et aujourd’hui, ce sont les mêmes qui nous feront rire demain.

Ce mois Savoyard a été marqué de convivialité. On s’est retrouvés. On s’est rencontrés. On a partagé un quotidien hors du commun et au jour 30 de cette aventure arrive le temps de repartir. Ma besace s’alourdit encore des souvenirs uniques de nos échanges, des moments partagés, d’amitiés fidèles, de retrouvailles conviviales, de rencontres fabuleuses, de la découverte d’une région belle et atypique

En attendant, au volant de ma petite Fiat, je quitte la Vallée un contrat en main (car je reviens deux mois cet été), un sourire au lèvre et une larme dans l’oeil de vous quitter, vous qui avez ensoleillé cet hiver encore plus fort que le Soleil de Provence. On se retrouve dans quelques semaines… avant que je ne reparte en Septembre…

D’ici là, je vais mettre ma vie d’aventures entre parenthèses, juste un temps, histoire de travailler en Béarn, en Provence, en Savoie et d’économiser pour un nouveau voyage sur notre belle Terre.

D’ici au plaisir de t’écouter me raconter tes propres aventures, de lire tes messages ou d’entendre ta douce voix, je te souhaite tout le bonheur du monde en ce début de printemps.

Adishatz mon ami(e)

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